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Pourquoi Stan Wawrinka s'entête à poursuivre sa carrière

Switzerland's Stan Wawrinka wipes the sweat from his face during his match against Kazakhstan's Mikhail Kukushkin in a tuneup event ahead of the Australian Open tennis championships in Melbo ...
Stan Wawrinka est sorti rapidement de l'US Open. Mais il compte bien y revenir.Image: AP

Pourquoi Stan Wawrinka s'entête à poursuivre sa carrière

Son retour à la compétition est une funeste procession de défaites. Mais «Stan the Man» n'est pas découragé. Il a des raisons solides, très personnelles, de continuer.
30.08.2022, 18:4131.08.2022, 07:47
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Dans la rue, la question revient avec plus ou moins d'indulgence: pourquoi n'arrête-t-il pas? Comment un jeune homme comblé, qui a tant gagné, qui est millionnaire, qui a subi de lourdes opérations, qui a initié des reconversions passionnantes (cinéma, NFT, immobilier, etc), en vient-il à exercer des restes de talents dans un milieu aussi dur et exigeant? Quel plaisir peut-il bien trouver à perdre chaque semaine devant des publics incrédules (perdre son temps, son rang, tout doucement ses moyens et un peu de sa dignité)?

Autant le dire, Stan Wawrinka n'a pas l'intention d'arrêter. Pas tout de suite. Il ne nie pas une certaine déception, un peu d'anxiété, de la honte, parfois, à capituler lâchement, avec des fébrilités de néophyte, mais aucune défaite ne l'a encore dissuadé de poursuivre ses efforts.

Bien au contraire: après son élimination à Wimbledon, «Stan the Man» a annulé ses vacances et décidé de ne plus en prendre avant de retrouver un niveau décent. Il a renouvelé son voeux de «tout donner encore deux à trois ans», «sauf si rien ne va plus». Sa tournée américaine ne devrait rien y changer.

La situation en chiffres

Stan Wawrinka a fêté ses 37 ans le 28 mars dernier. Sa défaite au premier tour de l'US Open, lundi, face au gaucher français Corentin Moutet (6-4 7-6 abandon), est la dixième de l'année en treize apparitions. No 288 à l'ATP, Wawrinka bénéficie d'un classement protégé pour entrer directement dans les tournois.

Il aime bosser, souffrir

Au contraire de certains athlètes dont la démarche obéit à une obsession de résultats, Stan Wawrinka s'épanouit dans le travail, dans la quête de sens et de menus progrès. La victoire est substantielle, importante, mais jamais aliénante. «Si vous êtes focalisé uniquement sur le résultat, une fois que vous avez tout gagné, vous arrêtez. Vous ne voyez plus de raison de lutter. Surtout si vous devez encore surmonter de graves blessures et repartir de presque zéro, sans aucune garantie de réussir», résume Isabelle Inchauspé, coach mentale de nombreux athlètes et tennis(wo)men.

Stan Wawrinka a d'autres motivations, plus profondes et personnelles. Il reconnaît lui même qu'il n'est jamais aussi «vivant» que quand il poursuit un but, fusse avec des béquilles ou la peur de mal faire. Par dessus tout, il aime la difficulté. Le sport. L’effort pour l’effort.

«Même si le moral peut flancher, j'aime m’entraîner. Oui, j'aime ça. J’aime me dépenser. J’aime me mettre mal»
Stan Wawrinka dans une interview à watson

Après la deuxième opération au tendon du pied gauche, «la compétition était l'objectif, évidemment, mais avec le médecin, on n’était sûrs de rien. Donc j’ai arrêté de me poser des questions et j’ai bossé». Confirmation de Christophe Baudot, médecin-chef du PSG et de Stan Wawrinka pendant sa rééducation:

«Quand il est arrivé, on ne lui a pas trop dit mais il était dans un état compliqué. Il faut reconnaître que Stan a une volonté énorme. E-norme. On lui a programmé des séances de vélo interminables, à le dégoûter. Un jour, il nous a demandé si on le préparait pour le Tour de France. Mais il a suivi le protocole sans jamais se plaindre.»

«J'ai aimé ces moments même s'ils étaient pénibles. Chaque matin, j'avais la banane»
Stan Wawrinka

Au Camp des Loges, Stan Wawrinka organisait des concours de rameurs et de home-trainer avec le staff médical du PSG. C'est son côté Ko-Lanta: tout dans la vie est prétexte à l'épopée et au dépassement de soi. Son plaisir vient de là, des petites souffrances du quotidien, et dix défaites ne suffiront probablement pas à l'en priver, ou pas totalement.

«On sous-estime souvent notre volonté, philosophait Wawrinka avant son retour. Pour développer cette volonté, avant toute chose, il faut aimer ce que l'on fait. Si c’est le cas (et c'est le mien), il n’y a pas de limite.»

Il a déjà traversé de grands déserts

Stan Wawrinka est d'autant plus sûr de sa résilience qu'il est sorti de nulle part, revenu de tout. Il a vaincu des désespoirs tenaces: sa timidité maladive, son sentiment d'imposture, ses inhibitions de bizut provincial, ses lacunes techniques, ses doutes et celui des autres, vingt années dans l'ombre d'un géant, des mois sans victoire.

En un sens, «Stan the Man» est déjà passé par là, maintes fois. Il possède une longue expérience des jour-sans et des petits matins blêmes, à chercher une base tactique, une stabilité émotionnelle, là où il n'y a que des fragilités. Il en est toujours ressorti indemne, souvent vainqueur. «Pourquoi pas cette fois», semblait-il insinuer lundi soir:

«Je sais qu’à un moment donné, ça finit par passer. J’ai vécu ça trop de fois dans ma carrière pour ne pas savoir que ça viendra»
Stan Wawrinka pour le matin.ch

Il est convaincu que le problème est dans la tête

Le risque est que l'accumulation des défaites engendre des complications plus sournoises, notamment des complexes et des blessures de stress (officiellement lundi: tensions à une cuisse). Selon Wikipédia, un sentiment d’infériorité est «une réalité imaginaire, une dévalorisation de soi systématique […] où chaque échec appelle le suivant par le phénomène humain des prédictions qui se réalisent d’elles-mêmes, également valables pour la réussite qui appelle la réussite». En tennis, cette infériorité devient un problème systématique, puis une réalité statistique, avant de finir en blocage psychologique. Chaque défaite appelle la suivante.

Comme souvent au cours de sa carrière, Stan Wawrinka a expliqué lundi qu'il n'avait «jamais été en mesure de retrouver le jeu que je produis à l’entraînement depuis plusieurs semaines. Sur les points importants, je manque de confiance pour opérer les bons choix, pour prendre les bonnes options sans réfléchir.»

C'est un privilège de l'âge que d'identifier ses faiblesses, mais c'est aussi l'un de ses effroyables travers que de ne plus croire en ses forces. «Je pense que nous devenons plus nerveux avec l'âge, témoignait Wawrinka après sa greffe à un genou. Pour une raison assez simple: nous connaissons mieux que personne les conséquences de nos erreurs. Nous avons tellement vécu ces moments clés où une seule balle, une seule décision, peuvent changer le cours d’un match, sinon d’un tournoi, parfois d’une saison entière, que nous avons tendance à nous projeter. Nous sommes dans l’anticipation négative. Nous créons nous-même les conditions de notre stress.»

C'est le cycle que vit «Stan the Man» actuellement et dont il tente de s'extirper obstinément, dans l'attente d'une belle aubaine ou d'une bonne étoile. Convaincu que «ça» finira par arriver, une fois encore.

«En ce moment, je dois un peu me battre contre moi-même. Mais mon niveau intrinsèque est bon. Je sais que je vais à nouveau gagner des matchs, que j’ai encore de gros résultats en moi»
Stan Wawrinka lundi soir

Il est permis d'en douter. Mais il est imprudent d'oublier: un joueur qui a dépassé toutes les attentes, qui a repoussé toutes les limites, qui remporté trois Grand Chelem (à chaque fois contre le No 1 mondial en finale), qui manifeste une volonté aussi puissante, quasi incandescente, ne fonctionne ni ne raisonne comme nous, pauvres publics incrédules, plutôt voués à une destinée obscure et velléitaire. C'est toute la question: «Stan the Man» réussira-t-il encore à nous surpendre?

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