Elle n'a rien volé, en tout cas. Avec un certain sang-froid et un tennis qui, à défaut d'espièglerie, ne craint pas l'affrontement, Elena Rybakina a remporté Wimbledon sans chichis et en levant tout juste les bras (3-6 6-2 6-2).
Sa nervosité au premier set (17 fautes directes) aurait pu lui être fatale mais Ons Jabeur était encore plus vulnérable: elle a perdu tout discernement après un début de second set raté, punie pour des prises de risque désinvoltes et inconsidérées.
La victoire de Rybakina, 23 ans, est belle dans le sens où elle honore une joueuse humble, passionnée, qui espérait seulement «revenir en deuxième semaine». Elle n'est pas moins ironique et embarrassante pour Wimbledon qui, à la demande de son gouvernement, mais contre l'avis de toutes les instances du tennis, a prononcé l'exclusion des athlètes russes et biélorusses.
Or, il n'a échappé à personne qu'Elena Rybakina est née à Moscou, et d'aucuns suspectent qu'elle y réside encore. Interrogée sur ce sujet, la championne a joué sur les mots: «Je vis sur le circuit. Je voyage beaucoup. Je m'entraîne en Slovaquie et je fais des stages à Dubaï».
Elle est devenue kazakhe en 2018, à la faveur d'une naturalisation facilitée comme le Kazakhstan en offre à de nombreux sportifs prometteurs (en plus d'une rémunération généreuse). Le président de la fédération de tennis n'est autre que le milliardaire Bulat Utemuratov, le même qui avait convaincu Mikhaïl Kukushkin de renier sa patrie.
Sur ce sujet-là, Elena Rybakina est beaucoup plus claire:
Pas sûr qu'il faille lui en vouloir. Pas sûr non plus qu'elle soit nostalgique du Spartak Moscou. A trois ans seulement, ses entraîneurs l'ont décrétée trop grande pour la gymnastique. A quatre ans, trop grande pour le patinage artistique. A seize ans, trop limitée pour le tennis professionnel. S'il y avait un doute que cette victoire fasse le lit de Poutine et du système russe, l'histoire d'Elena Rybakina en jette un autre.