Novak Djokovic jure qu'il n'a «jamais poussé son fils à faire du tennis» et que «toutes ces heures sur le court» obéissent à sa seule volonté. Il raconte que Stefan, 7 ans, l'attend le soir pour corriger un mouvement ou lui réexpliquer la tactique. Il avoue que le chenapan est fan de Nadal; mais il ne le déshéritera pas pour autant: chacun de ses tweets exprime une gratitude profonde, inavouable, de père modèle. Ils le remercient de vouloir lui ressembler.
Faut-il croire les champions lorsqu'ils disent que leurs enfants font ce qu'ils veulent? On n'est pas obligé. Mais chez les Djokovic, le mimétisme est particulièrement troublant: on ne sait pas qui du père ou du fils cherche le plus à imiter l'autre. Le No 3 mondial a révélé en mai dernier qu'à travers le petit Stefan, c'est un peu lui qu'il cherche. C'est l'enfant qui sommeille en lui depuis des années, un enfant qui boude et qui étouffe.
«Avec Stefan, j'essaie de prendre cette énergie, cette énergie enfantine, et de réveiller mon enfant intérieur, car j'ai tendance à beaucoup l'oublier. Tout est si sérieux dans le tennis. C'est notre travail. C'est notre devoir. On doit être ceci. On doit être cela. Il faut être discipliné. Parfois, on prend la vie trop au sérieux. Les enfants me rappellent cette connexion avec l'essentiel, cette énergie pure. Ils me ramènent aux origines de ce métier qui est de jouer au tennis.»
Djokovic n'a pas eu d'enfance. A 12 ans, son père l'a grondé parce qu'il rêvait d'entrer dans le top 20. C'était No1 ou rien, moins que rien. La famille a tout vendu, tout quitté, emprunté de l'argent à des amis plus ou moins louches, pour que Novak accomplisse sa destinée. Comment s'étonner qu'un jour, l'enfant prodige ai ressenti le besoin de sommeiller?
Ces enfants que des stars exhibent comme des trophées répondent à des logiques insondables que nous serions bien en peine de juger. Après tout, la fierté est un sentiment d'appartenance comme un autre.
Restent ces ressemblances que l'on cultive dans son jardin secret en espérant y voir une graine de champion. Un jour, Ronaldo a déclaré vouloir «sept enfants et autant de Ballons d'or», sans craindre l'analogie. Il compte déjà cinq répliques de lui-même, dont le premier est né de mère anonyme et se prénomme Cristiano Junior. A ce jour, curieusement, aucun descendant de CR7 (le chiffre fétiche) n'a choisi la poterie ou le xylophone.
Historiquement, presque aucun «fils de» n'a percé dans le tennis. Du moins pas à un niveau équivalent. Parmi les rares exceptions figure le très réservé Casper Ruud, fils du très discret Christian Ruud. Après avoir musardé du football au golf en passant par le hockey sur glace, Casper n'a choisi le tennis qu'à l'âge de onze ans. Il a fini par y surpasser son père, qui ne lui avait rien demandé. On n'est pas obligé d'y voir un hasard.