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Yvan Bourgnon, le marin qui aurait inventé des attaques d'ours blanc

Le navigateur suisse, Yvan Bourgnon, pose pour le photographe au bord du lac Leman ce mardi 3 octobre 2017 a Lausanne. L'aventurier et navigateur Yvan Bourgnon vient de boucle apres 70 jours, son ...
Yvan Bourgnon est poursuivi en justice pour «contrefaçons».Image: KEYSTONE

Le marin qui aurait inventé des attaques d'ours blanc

Le navigateur suisse Yvan Bourgnon doit répondre de contrefaçons devant la justice française. Le «conquérant des glaces» aurait menti et triché sur ses exploits. Il dormait à l'hôtel, notamment, tandis qu'il était supposé lutter pour sa survie.
29.09.2022, 06:5330.09.2022, 09:59
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L’audience est prévue le 6 octobre devant le tribunal judiciaire de Paris, selon les révélations du Figaro. Elle promet des récits extraordinaires, des histoires comme on n'en raconte plus que devant les cheminées en pierre, s'il reste suffisamment de cognac, entre vieux marins cramponnés à leur pipe. Tout l'enjeu est là: il s'agit bien de prouver des froids polaires, des houles affreuses et des attaques d'ours blanc. En gros.

Yvan Bourgnon a-t-il raconté des bobards? C'est ce dont l'accuse le réalisateur Pierre Guyot, auteur de plusieurs documentaires sur la voile (notamment). Le tribunal devra statuer sur des accusations de «contrefaçons», très exactement sur les «mensonges par omission» de celui qui se fait appeler «le conquérant des glaces».

Le voyage de glace

Disons-le, ce défi-là n'avait rien d'une partie de pêche. Yvan Bourgnon avait entrepris de fendre l'Arctique, ses armures de glace et ses vents de face, à bord d'un petit catamaran appelé Ma Louloute, six mètres et quelques cordelettes, sans cabine, ni escale, ni assistance.

«Ma Louloute» en action.
«Ma Louloute» en action.

A bord, Yvan Bourgnon avait emporté le strict nécessaire. Toute sa vie tenait dans les deux mini-coques de son rafiot, au millimètre près. A «Monaco Hebdo», il raconte avoir dû choisir entre plus de vivres ou plus d’outils, et il a choisi les outils parce qu'au loin à-bas, dans cet univers impitoyable de silence et d'abandon, il n'aurait pas pu appeler le TCS.

L'itinéraire reliait Nome (Alaska) à Nuuk (Groenland) par le passage nord-ouest, où aucun petit voilier solitaire n'avait encore jamais erré. Pis: Bourgnon n'avait que 45 jours devant lui, en plein mois d'août, avant que les eaux ne gèlent à nouveau. Officiellement, il voulait prouver que seul le réchauffement climatique avait rendu ce défi possible (sans négliger sa folle imprudence): «Dans cette zone, il y a 10 ans, on comptait 90 % de glace. Il n’y en a plus que 20 %.» 7500 kilomètres en solo, dans la fricasse et le crachin mauvais. Disons-le encore: ce n'était pas de la gnognotte.

De l'Alaska et la Norvège, dans une immensité de silence, en 2017.
De l'Alaska et la Norvège, dans une immensité de silence, en 2017.

Morses, ours, neige

Le récit de ses aventures n'a pas tardé à noircir des pages de journaux et d'internet. On en frémissait de désir. On avait envie de sortir son vieux ciré et de s'en aller braver les roseaux du lac de Bret.

A Monaco Hebdo encore, Yvan Bourgnon raconte qu'il est réveillé en plein sommeil par un mouvement brutal. Son bateau est au garde-à-vous, dressé dans les airs. Magneto:

«Un ours était monté sur le pont, un monstre de 3 mètres de haut et dans les 500-600 kg. J’étais pris de panique. Heureusement, j’avais un pistolet à portée de main. J’ai tiré deux coups en l’air. Mais l’ours n'a pas bronché. J'ai essayé de hurler mais ça n'a rien changé. Je me suis dit qu’il fallait que je me calme, parce qu’en quelques secondes, il pouvait être sur moi. Je me suis mis à le viser au milieu du crâne, mais je savais que je n’avais droit qu’à un seul coup, sinon c’est lui qui me tuait.»

L’ours s'est finalement basculé dans l’eau. Mais ce n'était pas encore de tout repos. Bourgnon a manqué de fracasser son frêle esquif sur des icebergs. Il a percuté un morse. Il a frôlé le chavirage et la noyade après une chute dans l’eau gelée. Il a balayé la neige. Il est resté coincé trois semaines dans des glaces mouvantes, sans possibilité d'en sortir, incapable de tracer sa route. «Que des emmerdes», dit-il avec philosophie. Mais il trouvait ça beau, cette quête de (bon) sens sur son petit bateau.

«C’est l’approche la plus basique, la plus saine, la plus pure de mon sport. Je me suis vraiment plu là-dedans.» Encore une petite goutchette de cognac: «Il y a évidemment des risques et du danger. Mais c’est l’aventure et l’exploration que je cherche.» Et un combat contre le réchauffement climatique, bien sûr.

Des nuits à l'hôtel et au crochet d'un bateau

«Mais "on" découvrira ensuite qu'Yvan Bourgnon n'a pas respecté les règles qu'il s'était lui-même fixé, et son "record" n'a pas été homologué», relate Le Figaro.

Tandis qu'il était censé affronter une tempête, il a passé une nuit à bord du Muktuk, un voilier à moteur croisé par hasard. Ce bateau aurait remorqué le sien pendant une bonne semaine, sur une distance d'environ 170 kilomètres. Ses occupants, une Allemande et un Néerlandais, lui auraient fourni des vivres et un sac de couchage high-tech pour résister aux froids polaires.

Yvan Bourgnon et Ma Louloute brisant la glace.
Yvan Bourgnon et Ma Louloute brisant la glace.

Pendant toute la durée du remorquage, le tracker qui permettait de suivre Bourgnon en direct, et donc de mesurer sa vitesse, n'a pas fonctionné. Pour une cause indéterminée, selon la version officielle.

Le couple à bord du Muktuk est formel: Bourgnon a insisté pour que ce remorquage ne soit narré à personne, jamais («sinon j'ai des amis ours qui se feront plaisir de vous remorquer à leur tour»). Le Neuchâtelois a d'abord vigoureusement démenti. «Ils m'ont tiré sur quelques centaines de mètres pour sortir d'une crique.» Puis il a tout avoué.

Selon Le Figaro, encore, Yvan Bourgnon aurait pris une chambre à l’hôtel Boothia Inn de Taloyoak, Canada, où il aurait passé neuf nuits peinards devant la télé. La réservation date du 7 au 16 août, tandis que les médias décrivaient des dangers terribles et des mers impossibles. Bourgnon a tout avoué, là aussi. Mais tandis que ses collègues écarquillaient les yeux, lui, soudain, ne voyait plus le problème. «J’ai dormi à l’hôtel, et alors? Devais-je pour autant renoncer?»

Depuis cet aveu, la roche tarpéienne n'est plus très loin du capitole, comme dit un adage de marin (à moins que ce ne soit un alpiniste). Tout le monde sait bien qu'Yvan Bourgnon n'est pas une poule mouillée, qu'il a déjà réussi de grands défis en solitaire, qu'il a gagné la Transat Jacques Vabre en 1997 avec son regretté frère Laurent, authentique légende de la voile. Mais le doute menace, forcément.

Avec son grand frère Laurent (à gauche) pendant un tour du monde en famille.
Avec son grand frère Laurent (à gauche) pendant un tour du monde en famille.

«Désolé mais même le méchant ours, à ta place, je n'y croirais pas trop, rit un ancien navigateur connu de la famille Bourgnon. Mon c... sur la commode qu'il a inventé cette histoire aussi. Avec Yvan, il y a de vrais exploits. Mais vous, les médias, vous n'avez pas idée des bêtises que vous avez retranscrites.» Volontiers un petit verre de cognac.

Un pur et dur. Jusque-là

La presse française «décrit un dur à cuire, shooté à l’adrénaline, toujours partant pour des records et autres expéditions un peu sauvages, comme franchir le Cap Horn sur un catamaran de 20 pieds. On le dit un peu barré. Lui trouve cela usurpé. Mais qui aurait l’idée de faire un tour du monde sur un catamaran de plage en double?»

Partout, et pas seulement devant les cheminées, on raconte cet instant tragique aux Canaries où son équipier refuse de repartir, où Bourgnon décide de poursuivre seul, «naviguant au sextant et avec des cartes papier, chavirant en route vers la Martinique. Quelques mois plus tard, épuisé, il s’endort, dérive et est jeté sur les rochers, détruisant son bateau lors d’un échouage au Sri Lanka. Il le reconstruit intégralement et repart, bouclant une ahurissante circumnavigation de 220 jours», raconte Voiles et Voiliers, ivre d'extase.

Son catamaran fracassé sur des rochers au Sri Lanka.
Son catamaran fracassé sur des rochers au Sri Lanka.

Aux dernières nouvelles, Yvan Bourgnon vit à St-Blaise (NE) et porte un projet de catamaran géant pour collecter les déchets plastiques en mer. La mise à l'eau est annoncée en 2024, sous réserve d'un financement estimé à 33 millions de francs, selon divers articles de presse (mais watson ne peut jurer de rien).

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