Giancarlo Antognoni, l'Italie est-elle en train de tomber amoureuse de ses footballeurs?
Oui, il y a un peu de cela! La Squadra azzura a prouvé lors des deux premiers matches du groupe, contre la Turquie puis la Suisse, qu'elle était prête pour faire un grand tournoi. Elle n'a plus perdu depuis 29 matches. Son enchaînement de victoires est une sacrée carte de visite.
On dirait que cette Italie, avec son pressing usant et son jeu tourné vers le camp adverse, n'est plus vraiment italienne.
Il est vrai que la Squadra a longtemps été considérée comme une équipe de contre-attaque, et que son jeu est un peu différent de celui auquel elle nous avait habitué. Mais ce n'est pas une révolution, c'est le foot d'aujourd'hui qui lui permet d'attaquer son adversaire dès la relance du gardien. Et puis Mancini a bien travaillé, il a des jeunes très intéressants.
C'était un milieu offensif aussi redoutable qu'élégant, exactement comme vous. Pourquoi est-il devenu entraîneur et pas vous?
(il rit) Ce sont des choix que l'on fait une fois qu'on arrête de jouer au football. J'ai préféré suivre une carrière de dirigeant plutôt que de coach, un métier qui n'entrait sans doute pas trop dans mes caractéristiques. Entraîner est un métier difficile. On gagne beaucoup d'argent, mais on prend toujours le risque d'être viré.
Mancini jouit d'une totale confiance de la part de ses dirigeants. Il a transformé cette équipe, qui ressemble un peu au Real Madrid de Zinédine Zidane.
Il s'agit dans les deux cas d'entraîneurs modernes qui privilégient un jeu porté vers l'avant. Leur philosophie, c'est de presser haut, afin de placer l'adversaire dans une situation qui ne lui permet pas de développer ses actions. Mais beaucoup d'équipes jouent comme ça.
C'est le signe que la mentalité des entraîneurs a changé.
Tout à fait. Ils cherchent désormais à gagner des matches.
On dit que la culture de jeu des grandes équipes sont au-dessus des hommes. Or, la Squadra Azzura a souvent changé de visage en même temps que de sélectionneur ces dernières années, comme si elle était le fruit de la vision d'un technicien plus que d'une philosophie nationale.
(Il élude un peu la question) Mancini a toujours entraîné des équipes fortes comme la Lazio, l'Inter ou Manchester City avec, lors de chacun de ces mandats, une obligation de réussite. Il a transmis cette mentalité de gagnant à son groupe actuel.
Observez-vous dans l'équipe actuelle une sorte d'identité footballistique italienne, déjà présente dans les années 80, et qui aurait survécu aux renouvellements des générations?
Oui. L'Italie s'est toujours articulée autour d'un noyau collectif fort, tout en s'appuyant sur des individualités capables de faire la différence. Il y en avait de nombreuses à mon époque et il y en a aujourd'hui encore: Immobile, Chiesa, Berardi.
Locatelli?
Oui. Il a marqué deux fois contre la Suisse, ce qui est assez inhabituel, compte tenu de son rôle à mi-terrain. Mais il a une vraie tendance naturelle à attaquer.
Pour cette même qualité, et parce que vous étiez surtout très beau à voir jouer, le public vous surnommait le «Michel-Ange du foot». Y'en a-t-il encore?
(il rit). C'est une bonne question. Disons qu'aujourd'hui, on ne peint plus comme à l'époque. Le collectif prime sur l'artiste. Les individualités sont évidemment toujours importantes, parce qu'elles peuvent faire basculer le cours d'un match. Mais l'entraîneur privilégiera toujours le collectif. Au final, les joueurs capables de changer l'histoire d'une partie ne sont pas nombreux.
Qui sont-ils?
Vous les connaissez tous: Messi, Ronaldo, bien qu'ils ne soient plus tout jeunes. Mbappé et Lukaku font aussi partie de ce genre de joueurs. Ce sont des individualités que le collectif sublime.
Dites-nous enfin: l'Italie va-t-elle remporter l'Euro?
(il rit). C'est en tout cas l'une des équipes candidates au titre. Une sélection bien construite avec des joueurs phénoménaux.