La fameuse place moscovite devant le Kremlin sera toujours Rouge vendredi, mais pas grâce à un envahissement de maillots de la Nati. Loin de là. Non, les Russes soutiendront massivement l'adversaire de la Suisse, la Serbie.
Face au Brésil et au Cameroun déjà, les compatriotes de Vladimir Poutine ont encouragé la sélection balkanique. «C'est grâce à la Serbie que nous faisons salle comble aujourd’hui!», se réjouissait un patron d'un bar de Moscou le soir du duel face à la Seleçao. A l'intérieur de l'établissement plein à craquer, certains portaient le drapeau serbe sur les épaules et d'autres l'avaient peint sur leurs joues. «Nous les avons toujours soutenus et nous continuerons de les soutenir: je pense que les Serbes sont un peuple frère», argumentait un client pour TV5 Monde. Dans un sondage réalisé mi-novembre par le média sportif russe Championnat, la Serbie a fini en tête des équipes soutenues.
Si les Russes – dont la sélection a été exclue de toutes les compétitions de la Fifa et de l'Uefa à cause de la guerre en Ukraine – vivent ce Mondial par procuration en donnant de la voix pour la Serbie, c'est effectivement parce les relations entre les deux pays sont étroites et chaleureuses. Même fraternelles.
Ils ont plusieurs points communs culturellement: leur population est majoritairement slave et chrétienne orthodoxe. «Mêmes couleurs, même foi. Allez les nôtres! Allez les Serbes!», écrivait par exemple, juste avant le Mondial, l'agence gouvernementale russe chargée des échanges culturels et de l'aide humanitaire.
Conséquence de cette proximité: Russie et Serbie ont des liens politiques étroits et très enracinés. Ils étaient, par exemple, déjà alliés lors de la Première Guerre mondiale. Aujourd'hui, l'Etat des Balkans est l'un des très rares à n'avoir pris aucune sanction contre la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine. Juste après le début de la guerre, des manifestations pro-russes ont même été organisées à Belgrade. La compagnie nationale d'aviation Air Serbia est la seule en Europe à encore desservir la Russie. Et alors que le reste du continent essaie d'isoler économiquement le pays de Vladimir Poutine, la Serbie a signé avec lui, en juin, un nouvel accord gazier pour trois ans.
Parmi la population serbe, la Russie et son président sont très populaires. A Belgrade, Vladimir Poutine est représenté sur plusieurs fresques murales et des t-shirts à sa gloire sont vendus. Dans cet amour des Serbes pour leur «grand frère» russe, il y a aussi de la reconnaissance: la Russie est l'un des rares Etats à ne pas reconnaître l'indépendance du Kosovo, ancienne province serbe que Belgrade aimerait récupérer. Il y a également de l'admiration:
Comme la Russie aujourd'hui, la Serbie a été sanctionnée économiquement par les Etats-Unis et certains pays européens pendant les guerres d'ex-Yougoslavie (Bosnie et Kosovo). Elle a même été bombardée par l'OTAN. De quoi consolider le sentiment d'unité serbo-russe.
C'est donc tout sauf un hasard si les Russes s'enthousiasment pour la sélection de Tadic, Vlahovic et Milinkovic-Savic au Mondial, celle dont ils se sentent le plus proches.
Au Qatar, les fans serbes ont d'ailleurs rendu hommage à leurs «frères russes», en chantant à la gloire du pays des tsars devant le stade.
"Serbia and Russia are brothers forever" - Serbian fans shout before the match with Brazil. pic.twitter.com/9Iz8HMYU2V
— Oriannalyla 🇺🇦 (@Lyla_lilas) November 24, 2022
Reste plus qu'à espérer pour la Nati que les yeux de Moscou n'auront pas de pouvoir hypnotiseur derrière leur TV vendredi soir.