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Buemi: «En F1, il y a des boutons, je ne sais pas à quoi ils servent»

Sébastien Buemi court en Formule E pour Nissan. Entre autres championnats.
Sébastien Buemi court en Formule E pour Nissan. Entre autres championnats.

Sébastien Buemi: «Certains boutons, je ne sais même pas à quoi ils servent»

Sébastien Buemi est entré dans l'histoire du sport automobile en remportant les 24 Heures du Mans pour la quatrième fois. Quelques jours plus tard, il nous a reçus chez son partenaire Mood pour une franche discussion sur la peur, les pilotes pistonnés ou oubliés, les volants avec des boutons partout.
20.09.2022, 18:3022.09.2022, 18:02
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Votre nom apparaît presque chaque semaine dans une course à l'autre bout du monde (réd: victoire le 12 septembre aux Six heures de Fuji). Vous arrive-t-il de prendre des vacances?
Sébastien Buemi: J'en ai pris début janvier. Une petite semaine en Laponie.

Vous recherchiez le froid?
Je suis allé voir le père Noël avec les enfants. A 4 et 6 ans, ils y croient encore à fond, donc j'en ai profité pendant qu'il est encore temps.

Des vacances très reposantes...
Honnêtement, c'était super. Le rendez-vous avec les lutins, la rencontre avec le Père Noël. Il y avait un mètre de neige et il faisait -30: féérique. Et vous ne pouvez pas imaginer comme c'est bien organisé (admiratif).

«Depuis le Covid, mon métier est devenu compliqué»

Depuis la levée des restrictions anti-Covid, vous voyagez à nouveau beaucoup...
(Il coupe)... j'ai beaucoup roulé en voiture pendant la pandémie et là, je reprends l'avion. Mais ce n'est pas redevenu comme avant. C'est très compliqué. Les attentes, les retards, les vols annulés, les files de dingue. Parfois, j'ai du mal à comprendre pourquoi tout est devenu si rude.

Mini bio

Sébastien Buemi est né le 31 octobre 1988 à Aigle (VD). Il a fait ses débuts en Formule 1 à l'âge précoce de 21 ans, au volant d'une Toro Rosso. Il est devenu le quatrième plus jeune pilote de l'histoire à entrer dans les points. Depuis, il a remporté quatre fois les 24 Heures du Mans (2018, 2019, 2020, 2022) et deux titres mondiaux en endurance (2014, 2019). Il court également en Formule E (champion du monde 2015/2016) et travaille comme pilote essayeur chez Red Bull en F1.

Comment parvenez-vous à concilier tous les championnats que vous disputez et tous les employeurs qui vous demandent de donner le maximum?
Effectivement, ce n'est pas facile... J'ai des contrats avec des priorités prédéfinies en cas de clash, notamment pour les collisions de dates. Chez Red Bull, je fais du simulateur, donc ce n'est pas difficile à planifier. Mais sinon, je jongle un peu.

Vous courez pour Nissan en Formule E et Toyota en endurance. Deux rivaux historiques. Comment est-ce possible?
Mouhais (il rit)... Disons que ça s'est fait comme ça et que ça risque de changer bientôt. Même très bientôt.

Vous arrive-t-il de manquer une course?
En général, les Grands Prix sont bien répartis dans le calendrier, mais ce sont les transitions qui peuvent devenir serrées. Ce week-end (réd: entretien réalisé le 28 juin), je vais à Marrakech pour la Formule E. La semaine suivante, je suis à Monza pour l'endurance. Et celle d'après, je suis à New York. Si un vol est annulé, la situation peut devenir tendue. Mais bon, c'est la vie que j'ai choisie.

Nous pensions naïvement que vous voyagiez en jet privé.
Parfois, mais ça coûte cher. Je limite au maximum.

«Sur les boutons de mon volant, il y a 200 fonctionnalités»

Comment gérez-vous le sommeil, notamment aux 24 Heures du Mans?
Sur les voyages, je prends parfois un peu de mélatonine et j'essaie d'anticiper le fuseau horaire de ma prochaine destination. Aux 24 Heures du Mans, je me suis levé à 7 heures le samedi matin et je ne suis pas retourné au lit avant 23 heures le lendemain. Le plus surprenant, c'est que le dimanche soir, je n'arrivais... pas du tout à dormir. Après quasiment deux jours sans sommeil, j'étais incapable de fermer l’œil. C'en devenait presque stressant. Comme un blocage psychologique.

Du coup, vous êtes descendu au bar?
Non, il faut se calmer et patienter. Mais ce n'est pas le plus facile à gérer. Pendant la course, aucun problème: on lutte contre le sommeil entre 1 et 5 heures du matin mais après, on repart. L'horloge interne est réglée de cette façon. Mais une fois la course terminée, l'adrénaline est restée longtemps dans le corps. J'étais dans un état bizarre.

Combien de temps passez-vous au volant sur les 24 Heures du Mans?
Le règlement interdit de rouler plus de 4 heures toutes les 6 heures. Parce qu'à l'époque, des mecs faisaient la course tout seuls: 24 heures au volant d'une seule traite! Evidemment, ils n'allaient pas à la même vitesse. Mais ils ne mettaient pas non plus la ceinture de sécurité, car c'était une perte de temps. Jacky Icks fut le premier à le faire en 1969. Aujourd'hui, tout est réglementé.

epa10009647 The Toyota Gazoo Racing team car (no.8), a Toyota GR010 Hybrid with Sebastien Buemi of Switzerland, Brendon Hartley of New Zealand, and Ryo Hirakawa of Japan enters the paddock after winni ...
En juin 2022, Sébastien Buemi remporte ses quatrième 24 Heures du Mans au volant d'une Toyota.Image: EPA

Il suffit de regarder un volant pour comprendre que la F1 a passé l'âge de la clé à molette. Mais a contrario, ne faut-il pas faire l'EPFL pour maîtriser tous ces commandes?
Un pilote grandit avec ces volants et apprend à les maîtriser sur des simulateurs, parfois à l'aide d'un gros mode d'emploi.... Aujourd'hui, c'est comme ça, la voiture possède de nombreuses fonctionnalités. Le bon pilote est celui qui en tire le maximum. En gros, il ne s'agit plus seulement de bien conduire, de freiner tard ou de rouler à fond dans les lignes droites, mais d'exploiter tout le potentiel du réglage en temps réel.

Le volant de Lewis Hamilton, pour donner un exemple.
Le volant de Lewis Hamilton, pour donner un exemple.

Sur mon volant, j'ai environ 200 fonctionnalités différentes. Je ne les connais pas toutes. Certains boutons, franchement, je ne sais même pas à quoi ils servent! Avec ceux que je maîtrise, j'adapte les réglages de la voiture à chaque instant, en fonction du vent, de la température, de l'usure des pneus, etc. Il y a plein de paramètres avec lesquels je peux jouer. Au stand, avec la télémétrie, les ingénieurs savent instantanément ce que j’ai modifié. Ils peuvent corriger, conseiller. C'est là que le ressenti du pilote devient déterminant car il permet «d'extraire» de la performance tout au long de la course.

«Le 19h30 n'a même pas mentionné ma victoire»

Avec quatre succès aux 24 Heures du Mans, vous appartenez à l'histoire du sport automobile. Avez-vous l'impression que la Suisse en a pris conscience?
Je vais peut-être avoir des paroles malheureuses mais non, pas tellement. Je ne cherche pas spécialement à passer dans les journaux. Quand j'étais jeune, oui, ça m'aurait aidé. Il y a des sports très bien médiatisés en Suisse comme le foot, le hockey, le tennis, le ski, mais il en existe plein d'autres, je pense, qui ne sont pas à reconnus à la hauteur de ce qu'ils représentent.

Ne trouvez-vous pas que ce pays entretient un certain culte de l'automobile?
Nous avons eu de très bons pilotes mais la fédération, par exemple, ne fait rien pour aider les jeunes. Notre sport coûte cher. En France, la fédé cherche des sponsors pour financer la saison des deux ou trois talents qu'elle estime prometteurs, dans la mesure de ses moyens. Quand ce n'est pas possible, elle les met en contact avec des filières comme Red Bull, l'écurie qui a financé ma carrière depuis tout petit (réd: quatorze ans). Je constate qu'on ne le fait pas en Suisse. Les médias, eux aussi, n'en font pas assez. J'ai su que la télé alémanique avait consacré un sujet à ma victoire dans son émission sportive du dimanche mais en Suisse romande, il n'y avait rien.

Vous parlez de votre victoire aux 24 Heures du Mans?
Celle-ci et quelques autres. Au 19h30, il n'y avait rien du tout. Je n'en ai plus besoin pour vivre mais je ne peux pas nier que je trouve ça dommage.

N'est-ce pas la F1 qui éclipse tout?
Sans aucun doute. Mais quand vous gagnez au Mans à quatre reprises, ce n'est pas rien. J'ai l'impression que ça devrait être communiqué un minimum.

«J'ai reçu une offre en F1 mais je l'ai rejetée»

Après des débuts extrêmement précoces en Formule 1, envisagez-vous d'y effectuer un retour tardif?
Il y a des pilotes plus âgés que moi mais le problème n'est pas là. Clairement, je ne suis pas sûr de vouloir y retourner. La F1, c'est fantastique, c'est le rêve de tout pilote, mais si vous ne vous battez pas aux avant-postes, vous vous lassez très vite. Vous en êtes là, souvent, parce que vous aviez l'habitude de gagner dans les catégories inférieures. Ce n'est pas une habitude qu'il est facile d'abandonner.

On peut lire sur internet que vous auriez pu revenir en Formule 1 mais que vous étiez trop cher pour Toro Rosso. Est-ce exact?
S'ils avaient vraiment voulu que je revienne, ils auraient eu des moyens de me convaincre... A ce stade de ma carrière, le but n'est pas d'ajouter quelques Grand Prix à mon CV. Ce que j'ai réussi à construire en dehors de la F1 est assez solide. Tout arrêter, sans la certitude d'obtenir des résultats, pas même de rester plus de six mois si les choses tournent mal, je l'aurais peut-être fait à 20 ans mais pas maintenant.

Quand avez-vous reçu cette offre?
En 2018. Et plusieurs autres avant.

Swiss driver Sebastien Buemi, Nissan e.dams, right, and his son, Jules, pictured on the grid before the race at the Bern E-Prix, the eleventh stage of the ABB FIA Formula E championship, in Bern Switz ...
Avec son fils JulesImage: KEYSTONE

Avez-vous souvent été confronté à des choix de carrière difficiles?
Dans notre milieu, ces choix sont particulièrement aléatoires. La course automobile n'a rien à voir avec des sports comme le football et le hockey où, en général, les meilleurs percent. Chez nous, il y a plein de bons pilotes qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont même pas l'occasion de se montrer.

Ce n'est pas exactement une méritocratie.
Pas vraiment. Le pilote ne doit pas seulement être bon dans la voiture mais tout autour. Il doit savoir se vendre, s'entourer, se placer. Pour les meilleurs, les choix de carrière restent extrêmement aléatoires. Hamilton a remporté sept titres avec Mercedes mais lorsqu'il a annoncé son départ de McLaren, l'écurie qui gagnait tout à l'époque, la plupart des gens ont pensé qu'il commettait une énorme erreur. Lui pas.

Quel est votre avis sur le dénouement de la saison dernière: la direction de course a-t-elle volé le titre mondial à Hamilton?
Un jour vous avez de la chance, d'autres pas. Sur les 23 GP d'une saison, j'ai l'impression que les injustices s'équilibrent. Donc je ne dirais pas que c'était du vol.

«Les F1 n'ont plus rien à faire à Monaco»

Vous pilotez des voitures électriques et hybrides, ce qui vous positionne au cœur des tendances sociétales. Plus sérieusement, ressentez-vous une certaine animosité à l'égard des sports mécaniques?
Pas dans la Formule électrique, en tout cas. A partir de 2025, les F1 rouleront avec une essence «propre», une essence à base de déchets organiques. Notre sport va dans le sens de l'histoire mais je comprends qu'il puisse déplaire. Personnellement, je ne rencontre pas d'animosité.

En terme de plaisir pur, quelle voiture préférez-vous conduire?
La Formule 1 est forcément le trip de tout pilote. En Formule E, la sensation est très différente. La voiture délivre moins de puissance mais le fait de rouler en ville, de raser les murs, augmente l'impression de vitesse. Cela dit, les Formule E sont tout de même très lourdes. Il y a de grosses batteries placées à l'arrière, ce qui provoque un déséquilibre et une certaine inertie.

Vous avez l'expérience des circuits urbains avec la Formule E. Comprenez-vous que la Formule 1 veuille supprimer le GP de Monaco pour des raisons de sécurité?
Mais c'est une affaire purement politique! Monaco bénéficie d'un tarif spécial pour accueillir son Grand Prix. Je crois même qu'il ne paie pas. Bientôt, son contrat arrive à échéance. L'organisateur espère gratter quelques millions.

Mais pensez-vous que ces bolides soient toujours à leur place dans les rues de Monaco?
Non. Désolé mais non. Les voitures sont devenues trop grosses, trop larges, et maintenant trop lourdes, avec tout l'appareillage de sécurité. Je vous donne un exemple: les roues font du 18 pouces alors qu'avant, on était sur du 13. La taille des jantes a augmenté d'autant. Rien qu'avec ça, il faut ajouter 80 kilos et plusieurs centimètres. Toute l'ambiguïté de la F1 est qu'elle représente à la fois un show et un laboratoire technique, ce qui ne facilite pas la pesée d'intérêt. Mais rouler à Monaco, franchement, ce n'est plus adéquat.

«J'essaie de rester le plus léger possible»

Vous arrive-t-il encore d'avoir peur?
Pas peur de me faire mal. Mais de casser la voiture quand je perds le contrôle, oui.

A Shanghai, vos deux roues avant se sont détachées à 300 km/h.
Je ne peux pas dire que c'était une sensation amusante, en effet. A l'usine, ils essaient toujours de fabriquer les pièces les plus légères possibles. Ici, certaines composantes n'avaient pas eu le temps de passer par le banc d'essai. On n'a pas testé les torsions, les pressions. Les calculs étaient faux.

En 2010, la Red Bull (F1) de Sébastien Buemi perd ses deux roues avant en pleine ligne droite.
En 2010, la Red Bull (F1) de Sébastien Buemi perd ses deux roues avant en pleine ligne droite.

Quel est le poids d'une Formule E?
Le règlement impose un minimum de 900 kilos, pilote compris. Avec 899 kilos, vous êtes disqualifié. C'est à vous d'évaluer la perte de poids pendant la course, y compris la vôtre. L'usure des pneus, des freins, etc. En général, un pilote de Formule E passe sur la balance quatre à cinq fois par jour afin de maintenir un poids au plus proche de la limite autorisée. Chaque kilo compte.

Vous semblez particulièrement mince. Combien pesez-vous?
72 kilos avec le casque. Plus vous êtes léger, plus vous grappillez de la puissance. Je surveille mon alimentation constamment. Mais j'ai aussi ma propre limite. En dessous d'un certain poids, je tombe tout le temps malade.

Vous avez déclaré un jour: «Ma vie est un chrono qui défile sans s'arrêter». Aimez-vous cette vie?
Honnêtement, je ne l’ai jamais imaginée autrement.

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