Quand Laurent Bernoulli est devenu speaker du Lausanne HC, Adolf Ogi était président de la Confédération, le Nokia 3210 pullulait dans les poches des Suisses et Yannick cartonnait avec son hit Ces soirées-là. C'était en 2000. Ou, comme on le dit volontiers en Suisse romande, un sacré bail!
On y répète aussi souvent que toutes les bonnes choses ont une fin. L'aventure derrière le micro de l'emblématique voix du LHC n'échappera pas à l'adage. Oui, Laurent Bernoulli va quitter ses fonctions. Bientôt. Parce qu'il souhaite consacrer davantage de temps à sa famille et qu'il estime avoir «fait son temps».
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— Lausanne Hockey Club (@lausannehc) June 27, 2022
Mais que les plus nostalgiques fans des Lions se rassurent: la transition avec son jeune successeur âgé de 25 ans se fera tout en douceur. «Il m'accompagnera dans la cabine d'abord comme observateur», explique Laurent Bernoulli. «Puis je le laisserai faire progressivement quelques annonces. Et quand je le sentirai prêt, il fera un match en entier tout seul. L'objectif, c'est qu'il y arrive dès cette saison.»
Le quinqua se réjouit de jouer le rôle de «grand frère», selon ses mots. Il aura comme mission de coacher son héritier vocal. «Il viendra avec moi lors de la journée de formation des speakers en août, qui est organisée chaque année par Swiss ice hockey», détaille-t-il.
Le Vaudois a à cœur de préparer au mieux son successeur. Parce qu'après 23 ans derrière le micro, il sait que le job est essentiel au bon déroulement des matchs et qu'il est parfois délicat. «Quand Jérôme Bonnet avait été coupé par une lame de patin en 2008 et que le sang coulait sur la glace, il avait fallu trouver les mots et le ton justes sur le moment pour éviter de créer la panique», rembobine Laurent Bernoulli. «C'est notamment dans ce genre de moments imprévus et avec beaucoup d'émotions qu'on reconnaît un bon speaker.»
Même si le travail est avant tout protocolaire, être la voix d'un club exige d'être un fin psychologue. «On sent le public, on sait ce qu'il va apprécier ou non», appuie le Lausannois.
Il ne s'agit dès lors pas seulement de lire les textes qu'on a sous les yeux – encore faut-il savoir le faire avec aisance et spontanéité, ce qui n'est pas donné à tout le monde – mais il convient de tout le temps trouver le ton approprié, tel un équilibriste vocal. «Un speaker est considéré comme un officiel, censé transmettre au public les décisions de l'arbitre», rappelle Laurent Bernoulli.
Il l'a lui-même appris à ses dépens, au tout début de sa carrière. Alors que le directeur de jeu, Mladen Simic, avait sifflé une pénalité imaginaire pour beaucoup (de Lausannois, en tout cas), le speaker du LHC s'était laissé emporter par ses émotions, en lâchant au micro: «Deux minutes de pénalité pour une raison que seul l'arbitre connaît».
«Il était venu se plaindre en disant que mon annonce était inacceptable et que je serais sanctionné par la ligue», rejoue Laurent Bernoulli.
Mais depuis, de l'eau a coulé sous la glace de Malley. «Mladen Simic est devenu mon physio, et on est d'excellents copains!», se marre le Vaudois.
Pour dénicher la perle rare qui lui succédera, le Lausanne HC a publié une annonce sur les réseaux sociaux il y a quelques semaines. Le club a reçu une dizaine de dossiers, dans lesquels devait figurer un enregistrement d'une simulation d'annonce de goal. «On cherchait quelqu'un avec une bonne diction et une voix qui porte, posée, qui correspond en somme à l'image viriliste du hockey», décortique Laurent Bernoulli.
Et si le candidat parfait avait un accent genevois ou fribourgeois, ça passerait? Laurent Bernoulli se marre au bout du fil. «On n'a pas eu à nous poser cette question, parce que tous les candidats venaient de la région lausannoise. Mais, euh... si la personne avait un accent genevois très prononcé, ça pourrait poser problème.»
10 matchs de préparation sont au programme pour les Lions du Lausanne Hockey Club dès le mois d'août🏒
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Le programme complet ➡️ https://t.co/ckf2K1dI57 pic.twitter.com/FbmcLSC3dC
Et là encore, il en sait quelque chose. «Je me faisais chambrer à mes débuts parce que j'avais un petit accent neuchâtelois», se souvient celui qui a vécu ses dix premières années à Lausanne avant d'en faire quinze à Neuchâtel.
Si l'anecdote est bon enfant, elle rappelle que les spectateurs – souvent bons connaisseurs – sont attentifs aux détails et peuvent se montrer intransigeants. De quoi ajouter quelques tremblements dans la voix d'un néophyte.
Les clubs également attachent de plus en plus d'importance à leur communication et les exigences de la ligue tendent vers une plus grande professionnalisation. «Je me souviens avoir fait des annonces à l'improviste qu'on m'avait écrites quelques minutes plus tôt sur un bout de nappe déchirée. Aujourd'hui, ce serait impensable», observe Laurent Bernoulli.
La mission de la nouvelle voix du LHC promet d'être excitante, au sein d'un club qui ne cesse de progresser et qui affiche des objectifs toujours plus ambitieux. Un club qui, en plus, bénéficie avec la Vaudoise aréna d'un superbe outil de travail et d'un public réactif. Avantage pour le speaker: aucun de ses maillots ne porte – pour l'instant en tout cas – le numéro 80.