Dominik Paris, à quel point la descente du Lauberhorn est importante pour vous?
Le Lauberhorn m'a plu dès ma toute première participation. C'est ici que j'ai débuté ma carrière en descente. La course est gigantesque. Elle mérite vraiment son statut de classique.
Quel est votre meilleur souvenir ici?
Sans doute mon premier podium, en janvier 2020, même si je me suis déchiré le ligament croisé deux jours plus tard à l'entraînement. Il m'a fallu onze ans pour enfin monter sur la boite ici.
Et celui que vous préfereriez oublier?
(Rires) Je me suis retrouvé sur les fesses dans le Kernen-S. Ce n'était pas une belle performance. Mais en dehors de ça, je ne garde que des bons souvenirs du Lauberhorn, si l'on exclut les déceptions liées à certains résultats.
Le Kernen-S vous a toujours empêché de gagner à Wengen. Vous arrive-t-il de rêver de ce passage?
Non, jamais. Mais j'ai appris à le connaître sous différentes variantes au cours de ma longue carrière. C'est l'un des secteurs avec lequel j'ai le plus de mal sur le circuit Coupe du monde. C'est un passage étroit, où je n'arrive pas à prendre suffisamment de vitesse.
D'une manière générale, le Lauberhorn, avec ses passages clés, sa longueur et ses spécificités, ne semble plus être une course dans l'air du temps.
C'est une classique. C'est justement grâce à tout cela que cette descente est si passionnante.
Le président de la Fédération internationale de ski (FIS) souhaite mondialiser la Coupe du monde. Que pensez-vous des éventuelles courses en Chine ou en Amérique du Sud?
Je ne sais pas exactement dans quelle direction nous allons. On constate qu'il est de plus en plus difficile de trouver des lieux durablement enneigés en Europe. Cette année, la situation était très critique à Bormio. Il y a un travail de réflexion. Voulons-nous par exemple organiser des courses toute l'année? Je suis habitué au même rythme depuis 15 ans. Un changement serait difficile pour les skieurs de ma génération. Les jeunes seraient certainement davantage flexibles. D'un point de vue purement marketing, une extension de la Coupe du monde serait une chose positive. Or cela reste compliqué sur le plan logistique.
L'hiver dernier, Marco Odermatt a célébré sa belle saison de manière plutôt intense lors d'une soirée organisée à Kitzbühel. Où pouvons-nous vous trouver après une victoire en descente?
A la maison (Rires). J'aime être tranquille. Je dois garder de l'énergie pour la course suivante. J'ai parfois fait la fête par le passé, mais j'ai perdu cette habitude ces dernières années.
Il faut aussi des raisons de faire la fête. Or vous avez semblé désemparé dans l'aire d'arrivée dernièrement. Pourquoi les choses ne tournent pas bien en ce moment?
J'ai l'impression que mon ski n'est pas si mal en soi. Mais pour une raison ou une autre, ça ne fonctionne pas comme je l'aimerais. J'espère que je réussirai à mieux entrer en mode «course». Sinon, la saison risque d'être difficile.
En quoi Dominik Paris, 35 ans, est-il différent du skieur qui a skié pour la première fois à Wengen il y a 16 ans?
L'expérience est beaucoup plus grande. Quand on est jeune, on skie vite et on ne sait pas toujours pourquoi. Aujourd'hui, j'ai une idée assez précise de ce que je dois faire et de ce que je veux ressentir en course.
Et dans quelle mesure la Coupe du monde de ski a-t-elle changé?
C'est un autre monde. La préparation des pistes a évolué. Les sous-couches changent beaucoup plus. On passe d'une neige douce à des portions glacées.
On dirait presque un retour en arrière.
La situation n'est pas idéale. Ces derniers temps, nous n'avons pas eu de bonnes conditions. Avant, nous savions que lorsqu'on arrivait sur une piste de Coupe du monde, c'était dur et glacé. Il y avait tout au plus une course de temps en temps où ce n'était pas tout à fait le cas. Aujourd'hui, toutes les pistes sont mal préparées. Quand je pense à Val Gardena, nous avons couru sur un tracé qui offrait en réalité les conditions que l'on donne aux touristes. Et on nous demande d'y faire des courses de Coupe du monde.
A quoi cela est-il dû? Aux changements climatiques ou aux compétences des équipes techniques?
On ne connaît pas les coupables. Mais nous avons définitivement plus de mal à préparer une bonne piste. Peut-être est-ce dû à un manque d'intérêt. On ne sait pas vraiment.
Dans ce contexte, les descentes sont-elles devenues plus dangereuses?
Je trouve en effet les descentes plus dangereuses quand nous skions sur des neiges «normales». Le matériel subit les forces plus directement.
Pendant longtemps, le duel Autriche-Suisse était la norme en descente. Or actuellement, l'équipe de vitesse autrichienne est en dedans. Comment l'expliquez-vous?
On constate un problème de relève chez les Autrichiens. Comme en Italie, d'ailleurs. En revanche, je suis étonné par le nombre et la qualité des talents en Suisse. Ils poussent derrière les coureurs établis. L'Autriche a profité d'une telle constellation par le passé. Elle lui fait désormais défaut.
Les performances de Franjo von Allmen ou d'Alexis Monney vous ont donc impressionné?
Ce qui m'impressionne le plus, ce sont les qualités de ces garçons. Mais ce qui compte au final, c'est la vitesse à laquelle un skieur parvient à s'établir durablement dans l'élite mondiale. Marco Odermatt a par exemple appris très vite. A Bormio, il était à trois secondes lors de sa toute première participation.
Dans un peu plus d'un an, les courses de vitesse des Jeux olympiques auront lieu à Bormio. En tant que coureur le plus en réussite sur cette piste, cela doit être enthousiasmant.
Nous verrons. Vous savez, c'est encore loin dans mon esprit. Il peut se passer beaucoup de choses en un an. Prendre le départ est bien sûr un objectif. Mais ce sera une course différente de celle organisée chaque année sur le circuit de la Coupe du monde.
Pourquoi?
La descente olympique aura lieu mi-février. Il y aura beaucoup plus de lumière sur l'ensemble du parcours. Le tracé sera donc nettement plus facile.
Les Jeux olympiques semblent être le moment idéal pour faire ses adieux au ski.
Nous verrons ce qu'il se passe (Rires).
Avez-vous déjà des projets en tête pour votre après carrière?
Si j'avais des plans, je ne serais déjà plus sur les pistes.
Terminons par un petit pronostic. Qui selon vous remportera samedi la descente du Lauberhorn?
C'est une question difficile. J'espère que mon tour viendra enfin.
Et qui terminera deuxième?
Marco Odermatt sera certainement au rendez-vous. Les géantistes ont un petit avantage dans le Kernen-S. Nous l'avons déjà vu avec Feuz et Janka. «Odi» est favori, mais j'espère avoir mon mot à dire.
Adaptation en français: Romuald Cachod.