Quand il a terminé son service militaire en tant que grenadier de char, Den a ressenti une sorte de manque. «Je ne voulais pas rester inactif. Il fallait que je trouve quelque chose d'au moins aussi dur. Je me suis donc inscrit à une Spartan.» Le Vaudois (33 ans aujourd'hui) a choisi la course de Milan pour débuter dans la discipline. Mais il a failli ne jamais prendre le départ.
Des années plus tard, Den compte de nombreuses participations aux Spartan. Il a voyagé un peu partout en Europe pour y prendre part.
«La course à obstacles est un sport extrême qui, contrairement au premier aperçu que j'en ai eu à Milan, ne présente pas, voire peu de risques», vante celui qui est devenu un vrai Spartan au fil des épreuves.
C'est d'abord une attitude. «C'est avoir un esprit de guerrier, aller dans l'arène et affronter les obstacles les uns après les autres», décrit Manuel Dufaux, un coach sportif qui prépare les corps et les esprits de nombreux participants.
Les compétitions ressemblent à un gigantesque jeu de rôle. Les athlètes sont renvoyés au cœur de la glorieuse armée spartiate (8e siècle avant Jésus-Christ) grâce à une mise en scène savamment orchestrée par les organisateurs.
«Avant la course, quand on est tous rassemblés et que l'on hurle des "Ahou", on se sent comme des guerriers de la Grèce antique», raconte Den.
La musique (style Sirius de The Alan Parsons Project ou Tube d'Iron Maiden) diffusée au départ finit de transcender les inscrits. Ils s'élancent ensuite en surgissant d'un épais brouillard de fumigènes, le front ceint par un bandeau façon Rambo et les joues grimées.
Ces guerriers d'un jour sont au service d'une quête non pas collective mais personnelle. «L'idée, c'est de dépasser ses limites en allant puiser au fond de soi», souligne Eve, 41 ans. «Notre objectif, en tant qu'organisateurs, c'est que tous ceux qui ont besoin de relever un défi se tournent vers nous», encourage Alexis Carrara, responsable communication Spartan Suisse.
Etre un Spartan, c'est donc être valeureux et ambitieux. Mais aussi ultra-complet. Eve résume: «C'est une épreuve assez contradictoire, car il faut être léger et rapide pour briller en course à pied, tout en étant costaud pour franchir certains obstacles».
«Il faut se jeter dans la boue, ramper sous des barbelés, porter des poids, franchir des murs ou encore lancer un javelot», dresse Manuel Dufaux.
La liste des épreuves a de quoi étourdir. Le risque est grand de perdre en lucidité. «Or, pour pouvoir être performant, il faut être intelligent tactiquement», recommande Den. «Chaque obstacle manqué entraîne une série de 30 burpees (réd: enchaînement pompe-saut-extension). C'est très éprouvant. Mais parfois, plutôt que de perdre du temps sur un obstacle, il est préférable de bâcler la difficulté pour se lancer très vite dans l'enchaînement de burpees.»
Courir, sauter, ramper, ils adorent ça. Et si être Spartan, c'était aussi trouver la course à pied has-been? «C'est un peu ça», acquiesce Alexis Carrara. «La course, le trail ou le triathlon, c'est devenu trop calme, trop tranquille», abonde Den, avant d'élargir son propos au sens de notre existence:
Chaque course s'apparente à un long voyage, d'où l'on revient courbaturé mais grandi. «Pendant un jour, tu n'es plus sur la planète Terre mais sur la planète Spartan», résume Den. Ceux qui ont fait le déplacement se reconnaissent des années plus tard. «Quand je prends l'avion pour partir en vacances, je croise toujours une personne avec un t-shirt Spartan», relate Manuel Dufaux. «Beaucoup de participants portent fièrement les couleurs de la marque.»
Quand ils ne partent pas en vacances, les spécialistes de courses à obstacles s'entraînent dans des clubs dédiés à la discipline. «Beaucoup ont vu le jour», rapporte Eve, elle-même inscrite près de chez elle. «On y fait des rencontres, puis on se retrouve sur les courses. Ça crée des liens. Un respect mutuel s'installe entre nous.»
Pour beaucoup, le défi ultime consiste à s'inscrire à la course de Sparte. Une épreuve mythique qui est aux origines du phénomène et qui s'apparente à un pèlerinage en quête de soi. Ahou!
Ce texte a été adapté d'une première version publiée sur notre site le 10 juin 2022.