«Mathilde est une pseudo casse-cou», nuance d'entrée Jonas Béguelin. Le Jurassien a entraîné la désormais triple médaillée olympique quand elle était adolescente, au sein de la structure d'élite Ski Romand. L'expert, ni personne, ne pourra nier qu'il faut être un peu fou pour s'élancer sur un tremplin à pleine vitesse et faire des cabrioles à une petite dizaine de mètres du sol.
Mathilde Gremaud possède cette folie. Ce goût du risque. Ce besoin d'expérimenter. Cette recherche d'adrénaline aussi. Toutes des qualités indispensables, dès lors qu'on parle de réussir dans le ski freestyle.
Mais la Fribourgeoise n'a jamais été une kamikaze pour autant. «Elle a toujours eu la tête sur les épaules», appuie Jonas Béguelin. «Elle savait rester dans sa bulle, supportait la pression et ne se laissait pas influencer par ses potes d'entraînement.»
Et pourtant, les occasions de tenter la figure impossible pour épater la galerie, quitte à prendre de très gros risques, n'ont pas manqué. «Mathilde était quasiment la seule fille dans un monde de garçons et, avec son esprit de compétitrice, elle voulait se comparer à eux», rembobine son ex-entraîneur. «Entre les mecs, c'était un combat de coqs pour savoir qui allait réussir un saut en premier. Elle, elle restait discrète, ne se mêlait pas à ces chamailleries. Mais à force de travailler inlassablement ses figures, c'est elle qui réussissait en premier.»
«Oui, elle avait un côté casse-cou, mais il faut le relativiser, parce que Mathilde avait une grande maîtrise de tout ce qu'elle entreprenait sur ses skis et on y allait étape par étape», se souvient Grégoire Marguet, responsable de la section freestyle de Ski Romand.
Dès son plus jeune âge, la Gruérienne a démontré des aptitudes sportives hors du commun. Elle l'avoue elle-même sur son site internet: «J’ai toujours fait du sport et j’ai beaucoup de facilité en général dans tous ceux que je découvre».
Au bout du fil, son papa, Stéphane, confirmait lundi dernier. Le résident de La Roche (FR), encore sous l'émotion de la nouvelle médaille de sa fille, a plein d'anecdotes. «Quand Mathilde était toute petite, on avait un trampoline devant la maison et elle faisait déjà des sauts périlleux arrière sans qu'on lui apprenne quoi que ce soit». Il enchaîne:
Stéphane Gremaud a aussi pu constater très tôt le tempérament de sa championne olympique de fille, à la même période. «Je participais avec elle à la course de ski parents-enfants à La Berra (FR), j'étais juste devant elle et, sur un replat, à quelques mètres de l'arrivée, Mathilde est tombée. Je suis allé voir comment elle allait. Au lieu de pleurnicher, elle frappait son bâton sur la neige, furieuse de ne pas avoir pu terminer la course sur ses skis», sourit-il.
Et c'est ce même caractère bien trempé, cette soif de réussite, qui permet aujourd'hui à la Fribourgeoise de 22 ans d'accrocher des breloques olympiques à son cou. «Quand ça ne se passe pas comme elle veut, elle peut envoyer balader des gens sur le moment», se marre Fantin Ciompi, lui aussi skieur freestyle et pote de Mathilde Gremaud. «Mais c'est normal, je la comprends tout à fait, parce que moi aussi je suis comme ça. C'est la hargne nécessaire aux compétiteurs.»
Comme le papa et les deux anciens entraîneurs, le Chablaisien de 19 ans parle d'une «personne ouverte, très sociable et calme» quand il évoque Mathilde Gremaud. Il l'a côtoyée à Ski Romand et au sport-études d'Engelberg (OW), et va de temps en temps skier avec elle, «pour le plaisir».
Et Mathilde Gremaud a, justement, pu chausser souvent ses lattes à Pékin. Sept jours après sa médaille de bronze en Big Air, elle est devenue championne olympique de slopestyle. Quatre ans après avoir décroché l'argent à PyeongChang.
Durant ces Jeux, comme depuis toujours, la Gruérienne a bénéficié du soutien de toute sa famille. Un autre ingrédient indispensable à une si belle carrière. Même si le freestyle était un peu un ovni pour ses proches. «Au début de son adolescence, on la laissait aller skier avec ses amis. On ne savait pas très bien ce qu'ils allaient faire. Je constatais juste que Mathilde rentrait avec les carres de ses skis abîmées à cause des frottements sur les barres de glisse. Ça m'énervait. Aujourd'hui, j'en suis très content», conclut Stéphane, son papa, en rigolant.