Les balles engagées par le coach arrivent avec une régularité digne d'un métronome sur un tapis de gazon synthétique, posé dans l'angle de ce court en dur mal en point. Derrière la ligne de fond, une tenniswoman au gabarit athlétique enchaîne les revers, qu'elle frappe juste après les rebonds sur ce carré improvisé.
Cette vidéo postée sur Instagram par la Française Oceane Dodin, 85e joueuse mondiale, fait rire. Tant à cause de l'ingéniosité de l'entraînement que par le côté bricolé de celui-ci. «Un peu cheap», diraient les plus jeunes. «Système D», répondraient leurs aînés.
Quand tu dois te préparer pour la saison sur gazon mais que tu n'as pas de court en gazon à côté de chez toi. Habile. Océane Dodin, 85e mondiale.
— Tennis Legend (@TennisLegende) June 14, 2022
🎥 IG/oceane_dodin pic.twitter.com/kXgNi8yUfb
Et tous ont raison. Parce qu'en plus de faire sourire, la scène est révélatrice: même les pros galèrent pour préparer leur saison sur gazon, tant les terrains sur cette surface sont rares en Europe continentale. Oceane Dodin, éliminée au premier tour du tournoi de Nottingham malgré l'originalité de sa préparation, le confirme. «Quand y’a pas de gazon à côté de chez toi», a-t-elle légendé sa publication.
La problématique est la même pour les joueurs et joueuses suisses. Dans le pays, il n'existe que quelques courts privés. Les deux seuls terrains ouverts au public se trouvent à Bienne. Ils ont été construits par l'association Tennis Champagne, en 2017, sur la pelouse de l'ancien stade de foot de la Gurzelen.
Ainsi, on peut y croiser certains cracks du tennis helvétique qui viennent peaufiner leur jeu – si spécifique à cette surface – avant de disputer la tournée sur gazon (en Allemagne, aux Pays-Bas et bien évidemment en Angleterre, où a lieu le tournoi du Grand Chelem de Wimbledon). Dominic Stricker, Leandro Riedi, Marc-Andrea Hüsler, Timea Bacsinszky ou encore Vera Zvonareva (finaliste à Wimbledon en 2010) ont par exemple tous foulé l'herbe seelandaise.
Si les terrains verdoyants manquent en Suisse, c'est surtout pour des raisons financières et logistiques. Le gazon étant la surface qui s'abîme le plus rapidement, l'entretien demande un soin particulier et coûte très cher. C'est aussi celle sur laquelle on peut jouer le moins longtemps (seulement pendant l'été), parce qu'elle devient impraticable avec le froid et la pluie.
Ces contraintes météorologiques expliquent le calendrier très restreint de la saison sur gazon des pros, revêtement qui est pourtant aux origines du tennis. Elle se déroule uniquement sur un mois, entre juin et juillet, avec peu de tournois (sept ATP et huit WTA).
Même au plus haut niveau, il est compliqué de prendre ses marques sur l'herbe. «On est allé une ou deux fois avec Stan Wawrinka sur un terrain privé en Suisse romande», se souvient l'ex-entraîneur du Vaudois, Yannick Fattebert.
Histoire d'apprivoiser au mieux le gazon, Stan Wawrinka et son staff se rendaient assez tôt en Angleterre avant le tournoi du Queen's, pour s'y entraîner. «En général, Stan ne jouait aucun autre tournoi durant la semaine entre le Queen's et Wimbledon, justement pour pouvoir continuer à s'entraîner sur l'herbe», précise son ancien collègue.
Stan Wawrinka a perdu ce jeudi en 8e de finale du Queen's contre l'Américain Tommy Paul (6-1 6-4). De retour sur le circuit seulement depuis mars, il espère rejouer rapidement à son meilleur niveau. Au top de sa forme, il avait gagné trois titres du Grand Chelem (Open d'Australie 2014, Roland-Garros 2015 et US Open 2016) et atteint deux quarts de finale à Wimbledon (2014 et 2015).
Cette année, «Stan The Man» a obtenu une wild-card pour le rendez-vous londonien, du 27 juin au 10 juillet. En l'absence de Roger Federer, l'actuel 290e mondial sera le plus grand espoir suisse côté masculin. Chez les dames, c'est Belinda Bencic (WTA 17) qui aura ce statut.