Eux-mêmes en rigolent. John Isner et Diego Schwartzman forment l'une des équipes de double les plus décalées de l'histoire du tennis. Et sa particularité se voit au premier coup d'œil: 38 centimètres séparent les deux hommes. Avec ses 2,08 m, Isner est l'un des plus grands joueurs du circuit. A l'autre extrême, son coéquipier ne culmine qu'à 1,70 m, taille extrêmement rare chez les pros de la balle jaune.
Isner et Schwartzman en double ensemble à Rome. C'est rigolo. pic.twitter.com/4tjEYqcTdH
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L'Américain et l'Argentin font la paire pour la première fois cette semaine, à Rome. Jusqu'ici, avec succès: ils ont battu le duo Santiago Gonzalez/Andres Molteni au super tie-break (5-7 6-3 10-1).
Sur le papier, la complémentarité entre Isner – serveur et cogneur invétéré – et Schwartzman, véritable métronome au jeu de jambes de feu, a de quoi faire des étincelles. Mais l'ancien joueur Marco Chiudinelli souffle vite sur les braises: «C'est une paire solide, mais je ne la vois pas gagner ce tournoi.»
Désormais organisateur de camps de tennis pour tous niveaux, le Bâlois pointe les limites liées au petit gabarit de Schwartzman. «Quand il monte au filet, il est plus facile à passer ou à lober.» Autre soucis, selon l'ancien membre de l'équipe suisse de Coupe Davis: le service, coup déterminant en double pour mettre en difficulté le relanceur et, ainsi, offrir une volée aisée à son coéquipier.
John Isner 2.08,
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Schwartzman 1,70pic.twitter.com/08Mp7KHYZ6
Et quid de la vélocité de l'Argentin, qui pourrait compenser ses lacunes? «Ses grandes qualités de défenseur sont beaucoup moins utiles en double, parce que les joueurs ont besoin de couvrir deux fois moins de surface qu'en simple», recadre «Chiudi».
Contrairement à son ancien coéquipier de Coupe Davis, Marc Rosset ne voit aucun problème aux 170 cm de Schwartzman. «En double, il faut assurer le maximum de première balle, sans forcément servir très fort.»
Le Genevois est même bien plus radical: selon lui, cette paire à première vue insolite n'a rien de particulier. Après quelques minutes d'explications technico-tactiques au bout du fil, il commence à se marrer. «En fait, ton histoire, c’est un non-sujet. Tu me réveilles à 10H00 pour parler d’un double Isner-Schwartzman... La prochaine fois, je ne répondrai pas!», tonne-t-il, pince sans rire, avec le bruit de la machine à café en arrière-fond.
The photo you all came to see 😁
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Isner & Schwartzman take out Molteni/Gonzalez 5-7 6-3 10-1.@JohnIsner | @dieschwartzman | #IBI22 pic.twitter.com/bwM5ERMiL4
Et pourtant, les explications de Rosset sont particulièrement intéressantes. Car si l'étrange duo Isner-Schwartzman est finalement quelconque, selon le Genevois, c'est parce que le tennis a changé. Et cette évolution a de quoi vous tirer du lit une grimace. «Maintenant, les doubles se gagnent depuis le fond du court, d’autant plus sur terre battue comme à Rome», observe l'ex-tennisman. Plus besoin, donc, de faire bloc à la volée. «Ça me rend fou de voir ça!», peste le Genevois, 51 ans, qui concède volontiers appartenir à l'ancienne école. Celle, donc, qui allait chercher des points spectaculaires au filet. «Marc Lopez (réd: 1,75 m) et Marcel Granollers ont gagné le Masters 2012 en jouant quasi uniquement depuis le fond.»
A en croire Marc Rosset, il n'y a plus besoin d'avoir des caractéristiques (un gabarit et/ou un jeu) avantageuses en double pour performer dans cette discipline. «Mais il faut quand même s'adapter tactiquement par rapport au simple», nuance-t-il.
En suivant cette logique, Diego Schwartzman – aucun titre en double – a tout pour exceller dans la discipline. Il tentera, en tout cas, de contribuer d'ici la fin de la semaine au 9e sacre de son coéquipier.