Deux grands évènements vont marquer le sport mondial en été 2024, et on exagère rien qu'un peu: les Jeux olympiques de Paris et l'ouverture du plus haut sentier pédestre d'Europe. Les randonneurs qui préféreront le Haut-Valais à la capitale française l'an prochain pourront en effet, sans guide et sans matériel d'escalade spécifique, rejoindre le Gross Bigerhorn en deux jours.
Le parcours débutera à Gasenried puis transitera par la cabane Bordier pour se terminer au refuge Mischabel.
L'aménagement de l'itinéraire coûtera environ 250 000 francs, selon Damian Constantin, directeur de Valais/Wallis. 50 000 seront pris en charge par la commune de St Niklaus, à laquelle appartient le chemin, le reste de la somme étant assuré par le canton, les sponsors et les cabanes de montagne. Le Valais a une certaine expérience dans ce type de chantier, puisque le canton possédait déjà le plus haut sentier. «On aura désormais le numéro 1 et le numéro 2», s'enorgueillit Damian Constantin, rappelant que le Gross Bigerhorn dépasse le Barrhorn (détenteur du précédent record) de...16 mètres!
Surtout, le directeur voit dans la proximité des deux sommets, situés tous deux dans le Haut-Valais, un argument marketing incontournable:
L'itinéraire menant au Gross Bigerhorn étant exigeant physiquement, il sera référencé comme «chemin de randonnée alpine» et comportera donc des panneaux indicateurs bicolores (blanc-bleu-blanc) et non pas jaunes. «Les personnes qui empruntent ce type de chemins doivent avoir le pied sûr, ne pas être sujettes au vertige et être en très bonne forme physique, renseigne le site Suisse Rando. Elles doivent aussi très bien connaître les dangers liés à la montagne.»
«Nous avons tenu compte du facteur de l'altitude pour le référencement», nous dit Angelica Brunner, directrice de ValRando, l'association qui a accompagné la commune de St Niklaus pour l'homologation du sentier. «Atteindre les 3636m, ce n'est pas donné à tout le monde. Il faut être en excellente forme physique et prendre garde à la météo, qui peut changer rapidement.»
Emmener les touristes toujours plus loin et plus haut en montagne, c'est une volonté qui existe depuis l'apparition des remontées mécaniques. La tendance s'est accélérée ces dernières saisons avec la démocratisation des vélos électriques, qui permet à n'importe qui de se rendre partout où deux roues peuvent se faufiler.
L'ouverture de chemins sûrs et balisés vers des sommets de plus de 3000m à des marcheurs sans connaissance particulière de la montagne, et encore moins de l'alpinisme, s'inscrit pleinement dans cette tendance. Mais ne va-t-on pas trop loin? Faut-il à tout prix aider le plus grand nombre à se rendre où bon lui semble le plus facilement possible? Beaucoup se réjouiront de ces accès facilités, d'autres estimeront que certains sites naturels se méritent et ne doivent être atteignables qu'à ceux qui acquièrent les compétences nécessaires pour s'y rendre.
Interrogé sur l'ultra-démocratisation de la haute montagne, Damian Constantin, qui connaît bien la région pour être originaire de Salquenen, en profite pour rappeler que l'itinéraire qui mènera les touristes au Gross Bigerhorn dès 2024 sera exigeant, et qu'il devra donc être appréhendé avec humilité. «Il faudra être prêt et entraîné, mais c'est de la responsabilité individuelle de chacune et chacun. On ne parle pas d'une simple balade en ville.» Sinon, autant se rendre aux Jeux olympiques de Paris.