Il y a plein de règles, dans la vie, que nous sommes obligés de suivre alors qu'elles sont totalement inutiles; ce n'était peut-être pas la peine d'en rajouter une. La voici pourtant: pour être déclaré vainqueur d'un marathon, il ne suffit pas de franchir la ligne en premier avec un dossard bien visible. Il faut en posséder deux, un derrière et un devant, au risque d'être purement et simplement disqualifié.
C'est la mésaventure qui est arrivée au brave Isaac Mpofu, dimanche dans les rues de Durban (pour que vous situiez, c'est la ville sud-africaine dans laquelle les Suisses ont battu les futurs champions du monde espagnols au Mondial de foot 2010). Le Zimbabwéen a été disqualifié malgré une brillante performance, la meilleure de sa carrière puisque sa victoire s'est doublée d'un record personnel sur la distance (2h10''04).
Las, ni sa victoire, ni son chrono ne seront homologués. Les organisateurs sud-africains ne badinent pas avec le règlement:
Comble de malheur pour l'athlète, il a aussi perdu son prize money (4000 dollars quand même) et, pire encore, sa qualification pour les Championnats du monde en juillet prochain aux Etats-Unis. Son temps lui permettait en effet d'obtenir les minima pour s'aligner sur le parcours des Mondiaux.
Mpofu (33 ans) a de quoi être dégoûté. Surtout qu'il estime avoir fait les choses correctement. Il s'est défendu dans la presse de son pays, avec le soutien de sa fédération (celle-ci a fait recours).
Organisatrice du marathon de Lausanne, Josette Bruchez se dit «un peu étonnée par le règlement restrictif de Durban». Elle rappelle que depuis plusieurs années, Lausanne, comme de nombreuses autres épreuves (dont Genève) du calendrier mondial, ne délivre plus qu'un seul dossard aux athlètes, à placer sur la face avant de leur maillot. «Les organisateurs privilégient cette solution car avoir un dossard dans le dos est gênant quand on court.»
Surtout, ce n'est pas franchement utile. Car si l'athlète porte un dossard, c'est parce qu'il contient la puce permettant de connaître son chrono et de vérifier qu'il a bien effectué la totalité des 42,195 km du tracé. Or, Isaac Mpofu a bel et bien franchi la ligne avec ce dossard, le seul qui compte, puisque son temps a été calculé. Un temps qui ne lui appartient plus.