Pourquoi devenir pro en fléchettes est «incroyablement difficile»
Ce week-end, l’univers haut en couleur des fléchettes pose ses valises en Suisse. De vendredi à dimanche soir, les meilleurs lanceurs de la planète s’affrontent dans la Halle Saint-Jacques de Bâle.
Parmi eux, Niko Springer, le jeune prodige allemand qui vient de signer à Budapest sa toute première victoire en tournoi PDC (la catégorie reine, à laquelle appartient aussi le tournoi bâlois). Sur sa route, il a même battu plusieurs joueurs du top 10, dont le numéro 1 mondial Luke Humphries.
Le joueur de Mayence, 25 ans, peine encore à réaliser son exploit: «J’ai reçu tellement de messages que j’ai été un peu dépassé. Le succès est arrivé de façon tellement inattendue», confie-t-il à watson.
Depuis cette année, Springer détient la précieuse Tour Card, gagnée via la Development Tour (compétition réservée aux 16-24 ans). Elle lui garantit au moins deux ans de participation aux tournois du PDC Pro Tour. De quoi quitter son poste de contrôleur des coûts dans un tribunal du Land de Hesse pour se consacrer pleinement à sa carrière dans les fléchettes.
Un choix difficile: «J’avais un bon job, très sûr, dans lequel je me sentais bien. La sécurité compte beaucoup pour moi, or dans le sport tout est plus risqué», explique-t-il.
Il a finalement sauté le pas, rassuré par la promesse de son employeur de pouvoir revenir à son poste à tout moment. Un privilège rare, même dans un sport en plein boom. Niko Springer, qui a toujours avancé pas à pas – du niveau régional au national, puis à l’international – le reconnaît:
Un chemin que rêve d’emprunter aussi Stefan Bellmont. Le Zougois de 36 ans a encore raté sa chance de décrocher une Tour Card en janvier lors de la Q-School. Mais il est toujours en lice: actuellement 2e du classement des gains sur le Challenge Tour – autre voie d’accès au PDC Pro Tour –, il doit conserver ce rang lors des quatre derniers tournois fin octobre pour décrocher la carte. Pour une qualification au Championnat du monde, la 4e place suffirait.
Souvenir puissant et prudence financière
Bellmont sait de quoi il parle: l'année passée, il est devenu le tout premier Suisse à disputer le Mondial au mythique Alexandra Palace de Londres. Malgré son élimination dès le premier tour face à Jermaine Wattimena, l’expérience reste gravée:
Tour Card ou Mondial? Le choix est difficile. «Pour la suite de ma carrière, je préférerais la carte. Mais je ne peux pas répondre avec certitude», admet Bellmont. De toute façon, l’un impliquerait l’autre: décrocher la Tour Card signifierait aussi une place assurée à l'Alexandra Palace, également connu sous le nom d'«Ally Pally».
Stefan Bellmont en est convaincu: «J’ai montré que je peux y arriver.» Mais comme Springer, il sait que s’installer dans l’élite est «incroyablement difficile». La densité a explosé: «Il faut jouer à une moyenne de 90 points juste pour espérer décrocher la carte.» La chance joue aussi un rôle, notamment lors des tirages au sort où chaque tour compte. Mais le Zougois relativise: «Ça s’équilibre toujours.»
Pour l’instant, le rêve du plein professionnalisme reste lointain. Gérant de son propre bar à fléchettes à Cham (ZG), l'actuel 121e au classement de la PDC peut combiner ses deux activités. Mais il met en garde:
Niko Springer, lui, a déjà franchi le cap. «C’est beaucoup moins stressant: je n’ai plus deux heures de trajet chaque jour, ce qui me laisse plus de temps pour m’entraîner», raconte-t-il. Pas encore de routine fixe à cause des nombreux tournois, mais un objectif clair:
Côté finances, l'Allemand reste prudent:
Avec déjà près de 140 000 francs de gains cumulés, il s’est constitué une réserve. Un coup de pouce supplémentaire viendra de sa deuxième qualification pour le Championnat du monde: avec l’élargissement à 128 participants, l’indemnité de base grimpe à plus de 16 000 francs.
Stefan Bellmont, lui, n’a encore rien assuré. Avant le sprint final fin octobre pour la Tour Card et le Mondial (11 décembre au 3 janvier), il voulait surtout briller à Bâle: «L’attente est énorme. Ce n’est pas rien d’avoir un si grand tournoi en Suisse», se réjouit-il. Pour lui, c’est aussi la preuve du boom des fléchettes dans le pays.
L’an dernier, le Zougois avait échoué en qualifications à Bâle et suivi le tournoi en simple spectateur: «Ça m’a travaillé, mais j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à soutenir les Suisses et à profiter de l’ambiance.»
Cette fois, Bellmont s’est qualifié sans trembler. Mais vendredi soir en 32e de finale, il s'est à nouveau incliné contre son bourreau au Mondial, le Néerlandais Jermaine Wattimena. Juste avant lui, Niko Springer a lui aussi perdu contre un représentant des Pays-Bas, Richard Veenstra.
Adaptation en français: Yoann Graber