Il y a quelques années, jamais je n'aurais pensé être heureux qu'un Espagnol gagne Wimbledon. Pour une seule et bonne raison: ça aurait signifié que le titre aurait échappé à Roger Federer. Et, qu'en plus, il serait tombé dans les bras de son grand rival, Rafael Nadal. Un scénario dramatique dans la course au record de titres du Grand Chelem, la mesure ultime pour déterminer qui est le plus grand de l'Histoire.
Mais voilà, le Bâlois a rangé sa raquette en 2022 et plus rien, désormais, ne m'empêche de me réjouir du sacre d'un Ibère. Surtout quand il s'agit de Carlos Alcaraz.
C'est simple: le Murcien de 21 ans est actuellement le plus beau tennisman à voir jouer. Et ce n'est sans doute pas Marc Rosset, le consultant de la RTS, qui dira le contraire. Le champion olympique 1992 n'a eu de cesse de louer Alcaraz dimanche, qui a roulé sur Novak Djokovic en finale de Wimbledon comme personne auparavant (6-2, 6-2, 7-6). Extrait:
Avec l'Espagnol, aucun risque de s'ennuyer. «Il n'y a quasiment jamais deux points de suite identiques avec lui», applaudit encore Marc Rosset.
Souches depuis sa ligne de fond, amortis, montées à la volée, passings, slices pour neutraliser l'adversaire: il varie ses coups comme aucun autre actuellement, et en plus avec une finesse technique inégalée. Ses qualités défensives sont dignes du Nadal de la grande époque, son jeu porté vers l'attaque du Federer des meilleures années.
En deux mots: Alcaraz joue. Au sens premier du terme. Et ça paie, puisqu'il s'est offert un quatrième titre du Grand Chelem et est devenu le troisième plus jeune tennisman à empiler autant de trophées (après Mats Wilander et Bjorn Borg). Oui, le tennis tient son nouveau roi. Et son plaisir de jouer, de faire ce qu'il aime le plus, se voit et est contagieux. Qu'est-ce que ça fait du bien!
On retrouve cette même joie, ce «kif», pour parler jeune, chez ses compatriotes Lamine Yamal, Nico Williams ou Dani Olmo. Et ce n'est pas un hasard: tous viennent de ce pays où les fans sont particulièrement avides de beaux gestes, le golazo comme le coup droit gagnant longline, mais montrent – il faut aussi le dire – parfois de l'ingratitude envers le travail de l'ombre. Cette dernière remarque s'applique par exemple avec le capitaine et attaquant ibère Alvaro Morata, infatigable travailleur dans le repli défensif, mais qui est surtout critiqué pour son manque de précision devant le but.
Leur jeu si offensif, tout le temps avec le ballon, collectif et brillant techniquement a séduit autant qu'il a été efficace durant tout cet Euro.
Dans cette finale, il est venu à bout de la froideur tactique de l'Angleterre, et avant ça, de celle de la France en demie. L'obsession de ne pas perdre de ces deux équipes leur a fait oublier de vouloir gagner. Or, aucun système tactique, aussi préparé et rodé soit-il, ne pourra jamais contredire cette vérité: pour gagner, il faut jouer. Sinon, autant rester assis dans le rond central...
Didier Deschamps et Gareth Southgate – respectivement sélectionneurs français et anglais – pourraient toujours argumenter en disant que leur blindage défensif leur a permis de gagner des matchs. Et ils auraient raison.
Ces derniers avaient de quoi être totalement désintéressés après certaines purges que ces deux sélections nous ont infligées durant ce tournoi. D'ailleurs, les audiences TV pour les rencontres des Bleus ont baissé cette année. Et que reste-t-il à une équipe qui n'a fait que défendre (comprenez: être passive) et a quand même perdu? Rien, même pas le mérite d'avoir essayé. L'Espagne, elle, a fait tout le contraire. Elle a joué, elle est sacrée, c'est mille fois mérité. Qu'est-ce que ça fait du bien!