Francesco Baraldo Sano vit des jours particuliers avant ce 8e de finale tant attendu contre l'Italie, samedi à Berlin. Et pour cause: le cuisinier de la Nati (51 ans) est... Italien. Avant de rejoindre l'équipe de Suisse, il officiait pour la première équipe de l'Udinese, un club pour lequel il travaille toujours dans la restauration des invités. Ce père de deux filles vit toujours en Italie, près de la frontière slovène.
Il nous parle de son étrange situation actuelle et nous révèle ce qu'il prépare pour les joueurs de la Nati. Et il y a quelques surprises!
Bon, dites-nous tout: être le cuisinier italien de la Nati avant ce huitième de finale contre l'Italie, c'est une situation sympa?
FRANCESCO BARALDO SANO: Oui, bien sûr! A l'époque, mon cœur battait pour le Milan AC. Aujourd'hui, exclusivement et à 100% pour la Nati.
Mais je le suis toujours, sauf que maintenant je suis un fan absolu des Suisses et que je fais partie de la famille.
Les joueurs vous aiment bien, paraît-il. Ils vous ont donné un surnom?
«Ricci» (Ricardo) Rodriguez m'appelle «Nonno». D'autres me disent «Zio». J'ai une très bonne relation avec les joueurs, pleine de respect. Ça m'aide dans mon travail. Mais je suis le cuisinier et ils sont les joueurs, c'est professionnel entre nous, parce que je dois rester concentré.
Ça ressemble à quoi, une journée de travail normale du cuisinier de la Nati à l'Euro?
Je commence le matin à 7h00 et je travaille jusqu'à 14h00. Ensuite, j'ai une pause d'environ deux heures. Avant de reprendre le travail jusqu'à 22h00.
Le soir, je prépare encore le plan des menus pour le lendemain et je l'examine avec le nutritionniste. Par exemple, si les joueurs ont mangé plus de pâtes que de riz aujourd'hui, nous devons trouver un plat plus attrayant avec du riz pour le lendemain.
À quoi les joueurs doivent-ils être particulièrement attentifs dans leur alimentation?
Leur repas se compose d'un tiers de glucides, d'un tiers de protéines et d'un tiers de légumes pour les vitamines. Les nutritionnistes sont avec moi au buffet et disent aux joueurs ce qu'ils doivent manger en fonction de leurs valeurs. Les joueurs doivent donc bien choisir.
Il y a aussi du riz noir et du blanc, des pommes de terre, des patates douces ainsi que trois sortes de légumes. Nous avons encore un buffet de salades avec sauce à la mangue ou à l'avocat. Finalement, il y a trois desserts différents, par exemple une crostata légère ou des pancakes à la banane. Tous les desserts sont sans sucre, à la place je mets du sirop d'érable ou du miel.
Pourquoi pas de sucre?
Le sucre qu'on a dans nos pays est transformé industriellement, ce qui est très mauvais, parce que des conservateurs malsains y sont ajoutés. Des additifs E comme le carbonate de sodium. Ils sont mauvais pour la digestion. Le sucre brun est également mauvais parce qu'il est coloré industriellement. Si on l'écrase, il est blanc à l'intérieur. Je n'utilise presque jamais de beurre non plus et, au sein de la Nati, tout est sans lactose. Comme boisson, nous ne buvons que de l'eau.
On entend souvent qu'il faut manger comme un empereur au déjeuner, comme un roi à midi et comme un mendiant le soir. C'est vrai?
En principe, nos joueurs mangent toujours beaucoup. Mais il y a des exceptions. Parfois, ils mangent moins à midi s'ils s'entraînent l'après-midi. Par contre, ils mangent beaucoup le soir. Le matin, certains se contentent de deux œufs au plat et un café. Notre déjeuner est toujours très léger et se compose principalement de plats à base d'œufs. Le porridge à l'avoine et au lait d'avoine est également très apprécié, tout comme un birchermuesli avec des fruits coupés.
Et après l'entraînement, il faut toujours beaucoup manger?
Oui, parce que les besoins en énergie à ce moment sont très élevés. C'est comme une voiture: il faut remettre de l'essence avant de pouvoir l'utiliser à nouveau. Les glucides sont particulièrement importants. Avant les matchs, l'idéal, c'est que les joueurs du onze de départ consomment des glucides trois heures et demie avant le coup d'envoi. C'est de l'énergie rapide pour eux.
Il nous est également arrivé d'avoir une cuisinière à induction mobile dans les vestiaires et de cuisiner des pâtes bolognaises sur place après le match. Mais il y a aussi des footballeurs qui ne mangent qu'une pomme après les matchs.
Justement, après les matchs, les joueurs de la Nati mangent généralement de la pizza.
Ils doivent immédiatement récupérer ce qu'ils ont perdu en énergie. A Cologne, nous avons commandé des pizzas et, à Francfort, nous en avons préparées nous-mêmes, avec un peu de fromage dessus. On y met aussi des légumes ou du poulet. Mais jamais d'oignons ni de thon.
Les Allemands, eux, ont droit à des kebabs sandwichs après les rencontres. Et la Nati?
Il y en avait aussi chez nous après le match contre l'Allemagne.
Mais nos kebabs sont plus légers, sans oignons et avec du yaourt sans lactose.
Quel joueur a le plus d'exigences niveau gastronomie?
Aucun. Yann Sommer mange très peu de poisson et de viande. Et Gregor Kobel fait très attention à son alimentation. Mais nous n'avons aucun joueur allergique. Les produits sans gluten sont appréciés parce qu'ils sont plus légers, ça aide à la digestion. Et il y a des joueurs qui veulent manger halal pendant le ramadan.
Qui mange le plus sucré?
Ricardo Rodriguez. Il me demande toujours au buffet ce qu'il doit manger. Le code 1, c'est ce qu'il peut prendre. Le code 2, ce qu'il doit laisser.
Et avec les épices, vous faites comment?
Je mets seulement de l'huile et du sel. On donne du goût avec du romarin ou de la menthe. Et aussi avec un peu de curcuma, qui aide à lutter contre les inflammations articulaires.
Personnellement, il m'arrive d'utiliser un mélange d'épices à la maison, mais il déshydrate le corps, ce qui est mauvais pour les joueurs.
Pour finir cette interview, on est obligé de vous poser la question: votre pronostic pour ce Suisse-Italie?
Je suis désolé pour les Italiens: je parie sur un 2-1 pour la Suisse, après avoir été mené 0-1. Et puis on dit «Ciao, ciao!»
Adaptation en français: Yoann Graber