Ramon Zenhäusern a eu chaud. 30e à l'issue du premier acte, dimanche à Gurgl, sa qualification en deuxième manche s'est jouée à un tout petit rien, l'Allemand Anton Tremmel et son dossard 47 ayant buté derrière lui, à seulement un centième. Convié sur le fil en deuxième manche, le Haut-Valaisan n'est toutefois pas parvenu à améliorer sa position, quand bien même il ouvrait la piste, si bien que son point glané au classement de la spécialité a été quelque peu éclipsé par une image particulière, saisie par les caméras.
Alors qu'il s'apprêtait à prendre le départ, Ramon Zenhäusern, présent dans la cabane, a eu recours à deux profondes inhalations: une pour chaque narine. «Les tests Covid ont changé en Suisse», ont plaisanté à l'antenne les commentateurs d'Eurosport France.
Or ce qui s'apparente à un inhalateur Vicks Vaporub utilisé contre la congestion nasale a été décrit comme des sels odorants, par Ski Welt Cup TV, Eurosport Deutschland et la NRK. C'est aussi ce que rapporte Atle Lie McGrath, après que la télévision norvégienne lui a présenté l'image de Zenhäusern en train de sniffer dans le portillon de départ. «Oui, c'est du classique! Il grogne et rugit toujours au départ, puis il prend des sels odorants pour s'exciter», a soufflé le troisième du slalom de Gurgl.
Du classique, pour Ramon Zenhäusern certes, mais pas pour tous les skieurs. Car les sels odorants – qui visent à améliorer la concentration et stimuler les athlètes, malgré des effets contestés en matière de performance – sont davantage présents dans les patinoires et les salles de musculation, moins en haut des pistes.
Les sels des patinoires et des salles contiennent de l'ammoniac. Or étant donné leur dangerosité (ils peuvent endommager les muqueuses), ils sont sniffés à une certaine distance, et ne sont pas introduits directement dans les narines, comme dans notre cas avec Zenhäusern. Il s'agit donc ici d'une variante aromatique, à base d'huiles essentielles et totalement naturelle. Un «Energy Stick» nous précise Swiss-Ski, qui ajoute que le skieur a opté pour ce dispositif dédié à la performance il y a désormais cinq ans. Nous sommes donc loin des sels odorants traditionnels. «On dit que l’odeur fait que les globules rouges reçoivent plus d’oxygène», raconte également le skieur haut-valaisan dans les colonnes du Tages Anzeiger.
Ce rituel d'avant-course si spécifique convient parfaitement à Ramon Zenhäusern. Du haut de ses 2m02, le slalomeur en impose au départ. Il gesticule, frappe ses entraîneurs puis son propre torse, histoire de déclencher une certaine colère. Il brame aussi comme un cerf, encore plus avec ce surplus d'énergie inhalé. Une façon d'impressionner ses concurrents, mais aussi d'évacuer la pression et de se vider la tête, comme à Schladming en 2019 lorsqu'il bataillait pour la gagne au départ de la seconde manche. «Je veux chasser les pensées tel un animal. Je suis plus rapide sans réfléchir, car dès que je pense en skiant, je manque d'intuition», confie le skieur auprès du quotidien alémanique. C'est d'ailleurs pour stimuler son intuition qu'il se frappe avec le poing gauche, afin de mobiliser et «mettre à rude épreuve l'hémisphère droit du cerveau, où réside l'intuition».
Son comportement peut donc parfois déranger. «Il est fatiguant. Il fait tellement de bruit. Mais il faut laisser chacun faire ce qu'il veut, même si c'est vrai qu'il est l'un des plus extrêmes», constate McGrath, habitué à le côtoyer en haut des pistes. Le vainqueur des slaloms de Flachau et Courchevel/Méribel en 2022 est résolument plus discret. «Je ne pourrais rien inhaler, car pour moi, le ski alpin est un sport où il est nécessaire de conserver un certain équilibre», relate-t-il, sans ressentir cette tentation de se transcender au départ. «Mais Ramon en a certainement besoin pour atteindre la plénitude qu'il juge nécessaire pour skier vite», lâche le Norvégien, déjà monté par deux fois sur le podium en ce début de saison. Ramon Zenhäusern, lui, n'a pas fait mieux que 20e. C'était à Levi lors du tout premier slalom de l'hiver.