L'autre jour, parmi le défilé d'images et de publications sur Facebook, une pépite est apparue: la photo de Clément Brustel, un des 35 000 membres d'un groupe d'escalade auquel on est aussi abonné. Sur son cliché, un grimpeur torse-nu escalade une falaise aux teints ocres, sublimée par la lumière du soir avec, en toile de fond, une lune presque pleine. Sublime.
On a envoyé un message à Clément, pour qu'il nous raconte comment il avait réussi son coup, et c'est comme cela que le téléphone a sonné quelques jours plus tard. «Cette image réunit mes trois passions: l'astronomie, l'escalade et la photographie», commence ce Français de 35 ans, originaire de Martinique mais résidant dans le sud de la France. C'est là-bas que l'image a été faite, plus exactement dans les falaises de Seynes. «C'est un endroit bien connu des grimpeurs. Il y a plus de 300 voies de tous niveaux», renseigne Clément.
«Cela faisait un petit moment qu'avec des amis, on voulait faire une image avec la lune en fond, car on savait qu'elle passait à peu près à cet endroit.» Tout l'enjeu était de savoir où exactement, et surtout quand. «Il existe plusieurs applications qui permettent d'aligner les paysages avec la lune, le soleil, les planètes, indique Clément. J'ai téléchargé Planit Pro, puis je suis allé faire du repérage au pied des falaises.»
Le Français a dû trouver la voie d'escalade derrière laquelle l'astre rocheux allait apparaître de la façon la plus grandiose possible, puis estimer la hauteur à laquelle le grimpeur devait se situer. «Ce n'est pas une image que tu fais en quelques minutes, sauf si tu as vraiment de la chance», assure-t-il.
Une fois ses calculs effectués, ce diplômé en sciences planétaires a donné rendez-vous à son ami Bastien au jour (c'était fin décembre 2023) et à l'heure (en fin de journée) suggérée par l'application. C'est donc Bastien que l'on voit sur la photo. «Moi, j'étais à 300m de la paroi, avec une lunette astronomique bricolée. L'idéal aurait été de posséder un téléobjectif, ce sera justement mon prochain achat», sourit Clément. Le photographe et son complice avaient chacun un talkie-walkie, de sorte à pouvoir communiquer en direct.
«Il n'y a que quelques jours par an où c'est possible de voir la Lune ainsi derrière la falaise. Et quand ça arrive, tout se joue à trois minutes près. Il ne faut pas se louper. Ce jour-là, les planètes se sont alignées.» Une fois de retour chez lui, Clément a sélectionné les meilleures images et procédé à quelques retouches. «Des modifications classiques: luminosité, un peu la balance des blancs. J'ai enlevé les poussières et fait un focus stacking sur Bastien et la Lune, mais pas sur toutes les photos.»
Le résultat rend hommage à un sport (l'escalade) et à ses pratiquants avec beaucoup de poésie. «Décrocher la lune», «toucher les étoiles»: autant d'expressions qui, ici, prennent tout leur sens.
Surtout, la photo de Clément prouve qu'il est encore possible de réaliser des images sublimes sans avoir recours au photomontage, ni à l'intelligence artificielle. L'artiste a bien sûr utilisé une application, mais elle n'a fait que guider sa main. Elle a en quelque sorte été au service de son art. «Les applications se sont beaucoup développées ces dernières années, se réjouit-il. Par le passé, c'était compliqué de prédire où la Lune allait sortir. Maintenant, on peut l'anticiper et réaliser ainsi des photos incroyables. Il y en a une qui a récemment fait le tour du monde.»
Astronomy Picture of the Day, awarded by NASA: Cathedral, Mountain, Moon, Turin Italy (2023-12-25) ©️V. Minato. pic.twitter.com/p8S1sWxHE4
— Ellen_vlady (@vlady_elena) December 26, 2023
Clément Brustel a désormais d'autres projets. «Je pense faire une image avec Saturne, placer un randonneur devant un paysage avec les anneaux en arrière-plan, mais c'est compliqué.» S'il y parvient, le photographe amateur devra une nouvelle fois digérer sa frustration: comme d'habitude, c'est lui qui aura réalisé le fantastique cliché sur lequel quelqu'un d'autre en occupera le centre.