A un jour du grand départ et à la demande des autorités françaises, l'équipe bahreinie (une formation qui compte notamment le Suisse Gino Mäder dans ses rangs) avait reçu la visite de la police danoise. Les voitures avaient été fouillées et l'hôtel retourné, mais aucun objet n'avait été saisi. Aucun résultat, donc. Que des rumeurs.
Mais depuis ce jour, l'équipe n'est que l'ombre d'elle-même, bien loin des standards pratiqués en début de saison. Sur les huit coureurs alignés sur la Grande Boucle, c'est un zéro pointé; aucune victoire et aucun poids sur la course. L'ivresse de la victoire n'est plus et cette soudaine léthargie pousse les suiveurs à y voir un signe d'aveu masqué. Pour se faire une idée de tout ce qui a capoté dans l'équipe bahreinie, on a épluché les performances de ses huit coureurs sur le Tour. Et elles ne sont pas glorieuses.
Il était érigé comme co-leader et cité dans les outsiders de cette édition du Tour de France 2022. Le 2e du dernier Tour d'Italie a été inexistant tout au long de cette Grande Boucle. Pire, il a quitté le Tour sans aucun fait marquant à son actif. Le coup de chaud, la chaleur écrasante lui a coupé les jambes? Peut-être.
Caruso s'est montré une seule fois entre Carcassonne et Foix avant de se faire décrocher dans les 30 derniers kilomètres. Pour couronner le tout, il a dû déclarer forfait pour la 18e étape après un contrôle positif au Covid-19.
Il était l'autre co-leader de l'effectif. L'Australien a dû rapidement mettre la flèche après une chute dans l'étape pavée de cette édition 2022. La nervosité et la malchance lui ont joué des tours. Le troisième de la Vuelta avait déjà concédé pas mal de temps dans le triptyque danois: Il demeurait à la 65e place, à presque deux minutes.
Il disait se sentir «pousser des ailes» avant d'entamer le Tour 2022. Vainqueur de Milan-San Remo et exceptionnel attaquant, le Slovène n'a été qu'un faire-valoir sur ce Tour. Un fantôme, outre quelques tentatives d'échappées rapidement avortées. Il a tenté, mais sans plus.
Il a couru loin, très loin de son braquet habituel. Il n'a jamais pesé, même dans des étapes taillées pour lui sur les pavés ou sur des étapes casse-pattes au Danemark. Les seules fois où Mohoric a fait parler de lui, c'est dans les médias, pour se plaindre du traitement infligé à son équipe après ces perquisitions.
Le vainqueur de la Flèche Wallone et de l'étape de Romont sur le récent Tour de Romandie s'est défendu timidement sur cette édition 2022: trois top 10. Rien de bien folichon pour un coureur de sa trempe. Il n'a pas pesé, n'a de loin pas été flamboyant, mais il n'a pas été ridicule non plus.
L'autre Slovène de la Bahrain-Victorious fait partie de ces coureurs qui traversent la Grande Boucle incognito et sans le moindre fait d'arme. Bon grimpeur et bon rouleur, le vainqueur d'une étape du Tour d'Italie (2020), ancien lauréat du prologue du Tour de Romandie en 2019, et 9e de Milan-San Remo n'a rien produit, rien montré; ce Tour est une traversée du désert pour le dur au mal de Ljubljana.
Le vieux briscard de 38 printemps s'est montré à son aise sur les routes françaises. Une lueur d'espoir dans une équipe qui a traîné son spleen. Sanchez a même failli apporter une belle victoire d'étape à Megève aux hommes de Milan Erzen, avant de mourir à 300 m de la ligne - victoire de Magnus Cort Nielsen. Mais le vétéran ibérique a montré le maillot et a été l'un des bons éléments de la meute bahreinie.
Il est le coureur le moins coté de du collectif. Le grand Polonais était surtout là pour prendre du vent et protéger ses chefs de file - on ne lui demandait pas de décrocher la lune. Le solide rouleur de 31 ans s'est fait aussi discret que ses leaders, progressant dans l'indifférence.
Fred Wright a été la bonne surprise de l'effectif Bahrein-Victorious. Le Britannique s'est battu, s'est glissé plusieurs fois dans les coups matinaux, pour compiler trois top 10. On l'aura vu à l'avant, le couteau entre les dents et passé proche d'un bouquet, si proche à Cahors avant de se faire enrhumer par un Christophe Laporte déchaîné. Mais dans les voitures des directeurs sportifs, il est peut-être la seule satisfaction de cette Grande Boucle.
Le bilan d'ensemble n'est pas de nature à redorer l'image d'une équipe qui est depuis 2021 au centre de vives critiques après les exploits de plusieurs de ses coureurs. Le parquet de Marseille avait ouvert une enquête pour «acquisition, transport, détention, importation d’une substance ou méthode interdite aux fins d’usage par un sportif sans justification médicale». L'an dernier à Pau, les coureurs de la Bahrain avaient vu débarquer une brigade pour fouiller dans leurs affaires.
Des rumeurs avaient enflé autour de cette formation, des bruits de couloir répétaient que des traces de tizanidine, puissant relaxant musculaire utilisé contre la sclérose en plaques, avaient été retrouvées dans des analyses. Un produit pas interdit par l'UCI mais qui est qualifié de «dopage légal» par la patrouille antidopage.
Les soupçons se sont amplifiés quand Sonny Colbrelli, auteur d'une saison 2021 tonitruante auréolée d'un titre de champion d'Europe et d'une victoire à Paris-Roubaix, s'est effondré après avoir franchi la ligne de la première étape du Tour de Catalogne cette année. L'Italien, victime d’un arrêt cardio-respiratoire, n'a toujours pas repris la compétition.
D'autres casseroles encombrent la cuisine du manager général slovène, Milan Erzen, dans le cadre de l’affaire de dopage sanguin Aderlass en 2020. On parlera, c'est sûr, toujours de l'équipe bahreinie après le Tour de France, dont la dernière étape se dispute ce dimanche sur les Champs-Elysées.