En remportant le Tour de Lombardie pour la quatrième fois consécutive, Tadej Pogacar a achevé samedi une saison de tous les records. 25 victoires, 39 journées en Grand Tour avec un maillot de leader sur les épaules: le Slovène a écrasé la course. Pire, il n'a laissé que des miettes à ceux engagés à ses côtés. Le jeune Giulio Pellizzari, 20 ans et nullement adversaire, peut en témoigner. Les attaques de Pogacar ont par deux fois brisé son rêve de victoire d'étape sur son tour national: le Giro d'Italia.
Loin de la gloire du jaune, du rose et même de l'arc-en-ciel, les anonymes du peloton se sont donc livrés encore davantage à des batailles annexes tout au long de la saison. Les victoires en World Tour inatteignables, ils ont cherché à exister en course et n'ont pas eu d'autre choix que de chasser les accessit, les classements moins prestigieux, les prix de la combativité ou les sprints intermédiaires, tout cela à coups d'innombrables échappées au long cours, éprouvantes physiquement.
Et à ce petit jeu-là, Manuele Tarozzi, équipier de Giulio Pellizzari chez Bardiani, s'est illustré – à tel point que son nom figure à côté de celui de Tadej Pogacar au moment de dresser le bilan de la saison. C'est bien simple, il s'apprête à remporter le classement honorifique des baroudeurs, celui comptabilisant les kilomètres à l'avant, c'est-à-dire en échappée.
Tarozzi n'a pas fait dans la dentelle. Il a ouvert la route durant 1962 kilomètres en 2024 et devance aujourd'hui le Norvégien Jonas Abrahamsen, vanté cet été sur le Tour de France pour ses qualités physiques hors normes, et Marc Soler, coureur intenable lorsqu'il pose ses roues chez lui en Espagne. L'Italien s'est notamment distingué sur son tour national. Il a composé pas moins de quatre échappées au printemps et a totalisé 414 kilomètres de course à l'avant, dont 175 au classement de la Fuga. Sufissant pour lui offrir par deux fois le prix de la combativité, et monter ainsi sur le podium. Manuele Tarozzi a également eu le peloton à ses trousses à plusieurs reprises sur le Tour de la Communauté de Valence, la Semaine Coppi et Bartali et le Tour de Langkawi.
Le coureur de la Bardiani a pris son destin en main et ses raids en petit comité lui ont permis de garnir son palmarès. Il a levé les bras à deux reprises en 2024, d'abord au Tour du lac Qinghai puis sur le Tour de Langkawi, deux courses continentales organisées en Asie. Ces envies d'évasion ont enfin offert au natif de Faenza, dans la région d'Emilie-Romagne, le maillot de la montagne de la Semaine Coppi et Bartali.
Ce fut donc une saison réussie, sa meilleure, et Tarozzi pourra bientôt fanfaronner en ajoutant à ses réussites le classement honorifique des baroudeurs. Mathis Le Berre et Dries De Bondt – engagés cette semaine sur le Tour du Guangxi, dernière épreuve World Tour du calendrier – peuvent mathématiquement le dépasser. Or ils doivent encore accomplir plus de 300 et 400 kilomètres d'échappée et n'ont montré aucune velléités offensives lors de la première étape, mardi. Ils évoluent qui plus est dans des formations World Tour aux objectifs élevées, moins enclines à attaquer à tout-va et surtout moins intéressées par ces gratifications annexes.
Manuele Tarozzi sera donc, sauf énorme surprise, le baroudeur de l'année d'ici quelques jours. Une distinction certes non accompagnée d'un prix, mais valorisée par les suiveurs et les passionnés, heureux de voir que les forçats de la route et les échappées au long cours existent toujours. Tarozzi a marqué et animé la course à sa façon, avec ses moyens et un seul adage: qui ne tente rien n'a rien. Il mérite d'être à l'honneur.
(roc)