Alors que la saison de football bat son plein, les joueurs ne manquent pas de faire entendre leur voix. Récemment, Rodri, milieu de Manchester City, a évoqué la possibilité d'une grève lors d'une conférence de presse, tenue la veille du premier match des Citizens en Ligue des champions:
L'international espagnol n'est pas le seul à exprimer son mécontentement. Plusieurs internationaux, comme le Norvégien Erling Haaland et le Français Jules Koundé, ont également fait part de leur ras-le-bol.
La colère gronde. En cause: le rythme toujours plus effréné des calendriers, au détriment de la santé des joueurs. D'ailleurs, le rapport 2023-2024 sur le suivi de la charge de travail des footballeurs le confirme: celle-ci ne cesse d'augmenter à mesure que les compétitions se multiplient.
Pour la saison 2023-2024, les grands clubs européens sont confrontés à une augmentation significative du nombre de matchs en raison de plusieurs réformes. Chaque équipe participant à la Ligue des champions jouera deux matchs supplémentaires par rapport à l’ancienne formule. De plus, l’élargissement de la Coupe du monde des clubs, prévu pour l’été 2025, ajoutera une charge supplémentaire.
A ce propos, Maître Amin Ben Khalifa, avocat genevois spécialiste du sport, déclare:
Il ajoute que d'un point de vue sportif, «c’est de la folie, il est impossible d’assurer la qualité du jeu».
Mais une grève des footballeurs pourrait-elle vraiment se produire chez nous, en Suisse? Pour l'avocat interrogé, la grève des joueurs de football professionnels suisses représente «un risque complètement hypothétique» par rapport à celle qui pourrait avoir lieu en Angleterre ou en Espagne. En effet, les joueurs professionnels suisses ne sont pas soumis au même calendrier surchargé que leurs collègues anglais ou espagnols.
Selon Maître Amin Ben Khalifa, le droit de grève existe, mais sous des conditions strictes.
La jurisprudence définit la grève comme étant «le refus collectif de la prestation de travail dû, dans le but d’obtenir des conditions de travail déterminées de la part d’un employeur». Le Tribunal fédéral, quant à lui, est très explicite: pour mener une grève licite, il est indispensable de satisfaire des conditions strictes. L'avocat interrogé précise qu'il s'agit de quatre critères cumulatifs et «non-négligeables»:
D'après Maître Amin Ben Khalifa, pour les footballeurs professionnels suisses, faire grève reviendrait à refuser de prendre part à un match, à une séance d'entraînement, à un camp de préparation, à un déplacement ou à toute autre activité jugée nécessaire par le club dans le cadre de leur profession.
Les footballeurs professionnels suisses signent tous un contrat de travail, accompagné de conditions générales spécifiques à ce dernier. Ces conditions incluent diverses obligations, toutes régies par le Code des obligations.
En clair, le contrat de travail ne mentionne pas explicitement la question du droit de grève, renvoyant ainsi aux dispositions du Code des obligations et à la Constitution suisse.
Interrogé sur les sanctions auxquelles les joueurs pourraient s'exposer en cas de grève, Maître Amin Ben Khalifa souligne:
Ce dernier poursuit en indiquant que si la grève est jugée licite, cela entraîne une «suspension des obligations principales du contrat de travail». Cela signifie que les obligations contractuelles sont mises en pause: le salarié n'est plus tenu d'exécuter son travail, et l'employeur est exempté de verser son salaire durant la période de grève.
Ainsi, la Suisse pourrait se positionner en tant que pays avant-gardiste, affirmant que le problème n’existe pas sur son territoire, mais qu’elle reste attentive à cette problématique.
Pour ce faire, Maître Amin Ben Khalifa, propose d’ajouter des conditions supplémentaires aux conditions générales du contrat de travail. Par exemple, sous la forme d’un passeport.
En d'autres termes, l'idée consisterait à mettre en place un passeport pour certains joueurs, en fixant un quota de matchs qu'ils peuvent disputer. Une fois celui-ci atteint, ces joueurs ne seraient plus autorisés à participer aux rencontres. Cette mesure viserait à préserver la santé du joueur, car «au-delà d’un certain nombre de matchs, son intégrité physique est mise en danger».