Pourquoi ce sportif romand doit se forcer à manger
Quand il se regarde dans un miroir, Raphaël Ahumada se trouve changé. «J'ai l'impression d'avoir un peu plus de joues et d'être en meilleur santé», observe celui qui a longtemps dû se battre pour rester sous les 72,5 kg, la catégorie de poids à laquelle il appartenait. «J'avais le visage creusé, on aurait pu penser que j'étais malade.»
La catégorie des «moins de 72,5 kg» ayant disparu du programme olympique d'aviron après Paris 2024, le rameur vaudois devra intégrer celle des «lourds» aux JO de Los Angeles en 2028. Or pour pouvoir rivaliser face à des athlètes plus costauds, il doit prendre de la masse. C'est la raison pour laquelle il s'astreint à un régime qui lui a permis de prendre 10 kg depuis le début de la saison.
Pour gagner en volume, l'athlète de 184 cm consomme «pas mal de shakes "prises de masse" avec protéines et glucides». C'est efficace, mais pas toujours agréable: «J'ai un peu perdu le plaisir de manger aux heures de repas», admet-il.
On sait que pour une perte de poids saine et durable, il est recommandé de ne pas perdre plus d'un kilo par semaine. Mais l'inverse est-il vrai? Pour prendre de la masse «intelligemment», est-il conseillé de ne pas dépasser la même mesure? Raphaël Ahumada n'avait jamais fait ce calcul, mais explique avoir pris ses 10 kilos en quatre mois. «Cela fait donc 625 grammes de moyenne sur sept jours, ce qui est raisonnable», juge-t-il.
Surpris d'être aussi fort
Où s'arrêtera-t-il dans sa transformation? Le Vaudois ne le sait pas encore. «Il n'y a pas de limite sur la balance dans la catégorie "open". Tout est question de rapport poids/puissance, et c'est à chacun de trouver le meilleur équilibre en tenant compte de ces deux paramètres.»
Le Vaudois n'est pas le premier à changer de catégorie au niveau international. «Certains l’ont déjà fait avant moi, et on voit bien qu’il est tout à fait possible d’être compétitif au niveau supérieur, à condition de faire preuve de patience, souligne-t-il. Il faut compter deux à trois ans d’adaptation: le temps nécessaire pour accumuler les kilomètres et habituer les muscles à la performance en endurance.»
C'est la raison pour laquelle Raphaël Ahumada ne s'est pas mis de pression cette saison, et c'est aussi pour cela qu'il a été surpris d'être aussi performant avec son nouveau coéquipier lucernois Kai Schätzle, qu'il continue à découvrir.
Lors des Mondiaux disputés fin septembre à Shanghai, le duo suisse a terminé à une superbe 5e place, même si tout n'a pas été parfait. «Il y a encore beaucoup de choses que l'on peut améliorer. J'ai pas mal de marge physiquement», résume Raphaël Ahumada, qui doit encore s'habituer à ses 10 kilos de plus dans l'embarcation. «Je n'ai pas exactement les mêmes sensations en terme de technique et de glisse qu'auparavant, mais c'est tout à fait normal, surtout avec un nouveau coéquipier et un nouvel entraîneur (réd: le Français Alexis Besançon).»
Ce qui est certain, c'est que Raphaël Ahumada, récent médaillé de bronze aux Mondiaux avec Célia Dupré en deux de couple mixte, ne regrette pas son passage chez les lourds, surtout à l'approche de l'hiver. «Quand on est maigre, on est plus vulnérable face aux virus et on tombe plus facilement malade», rappelle celui dont le regard est désormais tout entier tourné vers les JO de Los Angeles dans trois ans, un intervalle de temps qui devrait lui permettre d'achever sa transformation physique et d'obtenir un meilleur résultat que sa rageante 4e place aux Jeux de Paris.