Sport
Ski Alpin

Kernen: «Les Suisses dominent tellement que cela devient ennuyeux»

Kernen: «Les Suisses dominent tellement que cela devient ennuyeux»
Bruno Kernen s'est confié dans une longue interview.image: Irene Lustenberger

«Les Suisses dominent tellement que cela devient ennuyeux»

Ancien champion du monde de descente, Bruno Kernen, 53 ans, nous parle de son après-carrière et de la dynamique actuelle du ski suisse. Interview.
08.10.2025, 19:0008.10.2025, 19:00
Irene Lustenberger

Bruno Kernen, vous avez mis un terme à votre carrière de skieur professionnel en 2007. Ce retour à la vie normale a-t-il été difficile?
Ma première réaction a été un grand ouf de soulagement. Durant une carrière, on se retrouve très souvent dans la cabine de départ, en sachant qu’on met sa santé en jeu. On est tendu, sous adrénaline, et soumis à une énorme pression. Alors on se surprend parfois à rêver du moment où tout cela s’arrêtera. Quand on m’a demandé juste après ma retraite, si le ski ne me manquait pas, j’ai toujours répondu «non». Mais avec le temps, de l'eau a coulé sous les ponts, et j’ai réalisé que le ski me manquait quand même. Notamment cette pression, cette montée d’adrénaline. Pour répondre à votre question: j’ai d’abord dû me retrouver après ma retraite.

Qu’avez-vous fait par la suite?
J’ai suivi diverses formations et occupé plusieurs postes, comme celui de Key Account Manager dans le secteur pharmaceutique. En 2022, je suis retourné dans le monde du ski. J’ai d’abord passé deux ans en tant que directeur général d’une manufacture dans les Grisons, et depuis plus d’un an, je suis Managing Director chez Toko (réd: un fabricant de farts).

Bruno Kernen of Switzerland takes a turn on his way to securing the gold medal of the men's downhill at the World Alpine Ski Championships in Sestriere Saturday, February 8, 1997. (KEYSTONE/AP Ph ...
Bruno Kernen a été champion du monde de descente à Sestrières en 1997.Image: keystone

Vous avez stoppé votre carrière à cause d’une blessure au genou. Comment allez-vous aujourd'hui?
J’ai subi 18 opérations au genou gauche et j’ai reçu une prothèse en 2020. Depuis, je vis totalement sans douleur. Comme je passe beaucoup de temps en montagne l’été et que je descends souvent à pied, j’ai une bonne musculature. Mais ces mouvements d’arrêt et de redémarrage, que je fais en jouant au unihockey pendant mon temps libre, je devrais normalement les éviter. J’espère que mon médecin ne tombera pas sur cette interview. (Rires)

Vous souvenez-vous du moment où vous avez annoncé votre retraite?
Oui, c’est la même chose à chaque fois qu’un sportif annonce sa retraite: dès que la décision est prise, un immense poids s’envole.

«Mais quand il faut le dire devant les journalistes, on a la gorge nouée»

Est-ce que le retrait de la scène médiatique vous a pesé?
J’avais envisagé de devenir le successeur de Bernhard Russi pour commenter les courses de ski sur la SRF. Mais il a continué encore quelques années, et moi, je me suis peu à peu éloigné des feux de la rampe. Je me trompe peut-être, mais honnêtement, ça ne m’a posé aucun problème. Au contraire, j’apprécie d’être en retrait.

En quoi votre expérience de sportif professionnel influence-t-elle votre travail actuel en tant que directeur?
Je garde de ma carrière sportive la persévérance et l’ambition de poursuivre un objectif.

«J’ai aussi appris que nous sommes capables de bien plus que ce que nous pensons»

L’ambition se manifeste-t-elle aussi dans votre vie privée?
J’aime jouer au golf et je veux m’améliorer. Mais quand une balle part du mauvais côté, je ne suis pas du genre à lancer mon club par terre. Je me dis juste que c’est une bonne chose que je ne gagne pas ma vie avec ça (Rires). Je pense qu’il y a vraiment une différence entre le travail et la vie privée. Au travail, je suis ambitieux, probablement aussi compétitif. Mais en dehors, je suis plutôt quelqu’un de calme et détendu.

A quelle fréquence allez-vous encore skier aujourd’hui?
La saison dernière, j’ai passé environ 20 à 25 jours sur les skis, sachant que je pars souvent dans le Sud pendant les fêtes de fin d’année, car les pistes sont trop bondées à cette période.

Suivez-vous encore les courses?
Oui, et même si je suis un pur descendeur, ce que je préfère suivre aujourd’hui, c’est le slalom. D’abord parce que l’ordre de départ inversé en deuxième manche rend la course bien plus palpitante. Ensuite, parce que les Suisses dominent tellement la descente que cela devient presque ennuyeux. Ne vous méprenez pas: je me réjouis pour Odermatt, von Allmen et les autres. Mais à mon époque, on pouvait dépasser quelques bons Norvégiens ou Américains, sauf qu’il restait encore dix Autrichiens au départ, tous capables de gagner. Les Autrichiens dominaient autant que les Suisses aujourd’hui. Une telle suprématie finit toujours par tuer un peu le suspense.

Regardez-vous les courses à la télévision ou sur place?
Je vais chaque année aux courses du Lauberhorn à Wengen. Depuis ma retraite, un passage du parcours porte mon nom: le Kernen-S.

«J'en suis vraiment fier»
Former ski racer Bruno Kernen of Switzerland in action as forerunner with a tv camera fo SRF TV channel during the Slalom run of the men's Super Combined, SC, race of the FIS Alpine Ski World Cup ...
Bruno Kernen en pleine reconnaissance du slalom de Wengen pour les besoins de la SRF.Image: KEYSTONE

Y a-t-il des différences entre l’époque actuelle et celle à laquelle vous couriez?
Côté matériel, il y a bien eu quelques évolutions, mais pas de vraie révolution. Le règlement, en vitesse, n’a pas beaucoup changé non plus. Ce qui a le plus avancé, c’est vraiment la préparation des pistes et l’approche de l’entraînement. Nous nous entraînions aussi comme des fous et nous testions les méthodes les plus modernes, mais aujourd’hui, il y a plus de connaissances, mieux exploitées, ce qui fait une vraie différence.

En tant que spectateur, on a l’impression que les Suisses forment aujourd’hui une équipe plus soudée qu’à votre époque. Qu'en pensez-vous?
Oui, c’est juste. A mon époque, chacun cultivait un peu son propre jardin, nous étions plutôt des individualistes. Aujourd’hui, c’est une vraie équipe. Les athlètes s’apprécient, s’entraident, partagent de bons moments. C’est en grande partie dû à la continuité à la tête du collectif. Thomas Stauffer est entraîneur en chef depuis plus de dix ans. De notre côté, on avait sans cesse un nouveau coach – j’en ai connu neuf durant ma carrière. Et il n’y avait pas que la concurrence avec les Autrichiens. Il y avait des tensions en interne.

En tant que Bernois, vous avez sans doute un attachement particulier à Franjo von Allmen?
Oui, on ne peut qu’apprécier Franjo, rien que pour sa personnalité. Et en plus, il skie vraiment très bien. Mais je me réjouis tout autant quand Marco Odermatt ou Alexis Monney gagnent.

«Ce sont tout simplement de bons gars»
Franjo von Allmen of Switzerland reacts in the finish area during the men's Super-G race at the FIS Alpine Ski World Cup Finals, in Sun Valley Resort, Idaho, United States, Sunday, March 23, 2025 ...
Il est également natif de l'Oberland et champion du monde: Franjo von Allmen.image: Keystone

Auriez-vous préféré être athlète aujourd’hui plutôt qu’à l’époque où vous l’étiez?
Si l’on regarde en termes de succès, alors oui, j’aurais préféré courir aujourd’hui. Après le fiasco des Championnats du monde à Bormio, en 2005, où la Suisse n’a remporté aucune médaille et où je n’ai terminé qu’à la cinquième place, de nombreuses décisions importantes et surtout justes ont été prises. C’est grâce à ces choix que nous récoltons aujourd’hui des résultats.

Franz Heinzer, avec qui vous partagiez autrefois votre chambre, vit lui aussi dans le canton de Schwytz, où vous êtes désormais installé. Etes-vous en contact?
On se croise de temps en temps sur un terrain de golf.

Plus d'articles sur le sport
Franjo von Allmen: «Je ne marche pas comme Odermatt»
Franjo von Allmen: «Je ne marche pas comme Odermatt»
de François Schmid-Bechtel, Martin Probst
Bencic fait une confidence sur ses projets familiaux
Bencic fait une confidence sur ses projets familiaux
de Marcel Hauck
Ce mythique club suisse aura son musée
Ce mythique club suisse aura son musée
de Christoph Kieslich
Le Real Madrid a commis une bourde très malaisante
Le Real Madrid a commis une bourde très malaisante
de Yoann Graber
Les hockeyeurs auront une nouvelle obligation aux JO
Les hockeyeurs auront une nouvelle obligation aux JO
de Julien Caloz
Ce prestigieux tournoi de hockey est en grand danger
Ce prestigieux tournoi de hockey est en grand danger
Un autre scénario existe pour Lara Gut-Behrami
Un autre scénario existe pour Lara Gut-Behrami
de Étienne Wuillemin
Ce champion du monde avec Xhaka a eu une carrière démente
Ce champion du monde avec Xhaka a eu une carrière démente
de Robin Walz
Swiss-Ski se relève et Shiffrin flambe: les 7 enseignements de Gurgl
Swiss-Ski se relève et Shiffrin flambe: les 7 enseignements de Gurgl
de Sven Papaux
Cette pépite de la Nati suscite l’intérêt des Serbes
Cette pépite de la Nati suscite l’intérêt des Serbes
de Nik Dömer
«C'était un accident»: ce skieur romand a frôlé le pire
«C'était un accident»: ce skieur romand a frôlé le pire
«Mes pieds se sont aplatis d'une pointure»: elle filme un défi fou en Suisse
1
«Mes pieds se sont aplatis d'une pointure»: elle filme un défi fou en Suisse
de Yoann Graber
Le club français préféré des Jurassiens n'est pas mort
Le club français préféré des Jurassiens n'est pas mort
de Romuald Cachod
Gianni Infantino a gagné
Gianni Infantino a gagné
de David Digili
La face sombre de Curaçao, invité surprise du Mondial 2026
La face sombre de Curaçao, invité surprise du Mondial 2026
de Romuald Cachod
Boycottée, cette équipe israélienne passe sous pavillon suisse
Boycottée, cette équipe israélienne passe sous pavillon suisse
de Valentin Grünig
Ce coup d'envoi insolite a mal tourné
Ce coup d'envoi insolite a mal tourné
de Yoann Graber
Un coup de théâtre se profile au sein de la Nati de hockey
Un coup de théâtre se profile au sein de la Nati de hockey
de Klaus Zaugg
Un Romand a vu la NFL en Europe: «On a pris une claque»
Un Romand a vu la NFL en Europe: «On a pris une claque»
de Julien Caloz
L'Italie doit résoudre un problème avant les barrages
L'Italie doit résoudre un problème avant les barrages
de Julien Caloz
La Suisse présente une stat étonnante au Mondial U17
La Suisse présente une stat étonnante au Mondial U17
de Romuald Cachod
Ces baskets au pouvoir spécial séduisent les footballeurs
Ces baskets au pouvoir spécial séduisent les footballeurs
de Niklas Helbling
La vidéo de cette volleyeuse suisse crée un bad buzz
1
La vidéo de cette volleyeuse suisse crée un bad buzz
de Yoann Graber
J'ai vu la NHL en Europe et j'ai été très déçu
J'ai vu la NHL en Europe et j'ai été très déçu
de Timo Rizzi
Voici pourquoi Xhaka a été sifflé par les Kosovars
Voici pourquoi Xhaka a été sifflé par les Kosovars
de Christian Brägger, Pristina
«Qu'est-ce qu'il fait?!» Le coup lunaire d'un tennisman français
«Qu'est-ce qu'il fait?!» Le coup lunaire d'un tennisman français
Il faudra bientôt payer une taxe pour courir en France
Il faudra bientôt payer une taxe pour courir en France
Simon Ammann: «Je voulais prendre ma retraite en 2011»
Simon Ammann: «Je voulais prendre ma retraite en 2011»
de Rainer Sommerhalder
Dominic Stricker «se fait plumer financièrement»
Dominic Stricker «se fait plumer financièrement»
de Simon Häring
Un danger mortel en athlétisme est évité grâce à ces robots
Un danger mortel en athlétisme est évité grâce à ces robots
de Yoann Graber
«Je me sens lié à la Suisse, mais mon cœur a choisi le Kosovo»
2
«Je me sens lié à la Suisse, mais mon cœur a choisi le Kosovo»
de Céline Feller
La trottinette a bouleversé la vie de ce prodige romand
La trottinette a bouleversé la vie de ce prodige romand
de Yoann Graber
Turquie-Suisse: «Ils ont débarqué avec des battes et des barres de fer»
Turquie-Suisse: «Ils ont débarqué avec des battes et des barres de fer»
de Yoann Graber
C'est l'amour fou entre Murat Yakin et Granit Xhaka
C'est l'amour fou entre Murat Yakin et Granit Xhaka
de François Schmid-Bechtel
Hockey suisse: la bataille des droits TV fait rage
Hockey suisse: la bataille des droits TV fait rage
de Klaus Zaugg
Swiss-Ski à la peine: voici les sept enseignements de Levi
1
Swiss-Ski à la peine: voici les sept enseignements de Levi
de Sven Papaux
Ronaldo est devenu un fardeau
1
Ronaldo est devenu un fardeau
de Philipp Michaelis
Ce sport suisse mythique est à l'agonie
Ce sport suisse mythique est à l'agonie
de Rainer Sommerhalder
«Inspiré de l'ironman»: une série cycliste inédite arrive
«Inspiré de l'ironman»: une série cycliste inédite arrive
de Romuald Cachod
20 plats américains qui méritent d'être connus
1 / 22
20 plats américains qui méritent d'être connus

La clam chowder est un plat populaire dans tout le pays, mais la meilleure se trouve en Nouvelle-Angleterre.

source: boston globe / boston globe
partager sur Facebookpartager sur X
Ce romand et sa sculpture rayonnent dans le monde entier
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Ce coup d'envoi insolite a mal tourné
La remise du puck par un chien policier avant Dinamo Minsk-CSKA Moscou en KHL, jeudi, ne s'est pas du tout passée comme prévu.
Quand on tente de faire un coup d'envoi insolite lors d'un match, il y a toujours un risque que ça ne se passe pas du tout comme prévu. C'est d'autant plus vrai quand des animaux – qui ont parfois un caractère imprévisible, rappelons-le – sont impliqués.
L’article