Justine Mettraux, toutes nos félicitations! Comment vous sentez-vous après en avoir terminé avec le Vendée Globe?
Je vais bien, merci. Je reste encore un peu fatiguée, mais je suis contente d'être de retour. Quand on participe au Vendée Globe, le plus grand objectif est de terminer la course. Je l'ai fait, et cela me rend heureuse.
Non seulement vous avez terminé, mais en plus, vous êtes devenue la femme la plus rapide de tous les temps, et ce, pour votre première participation à l'épreuve. Vous attendiez-vous à un tel résultat?
En fait, le nombre de participations n'a pas vraiment d'importance. Vous savez, des skippeurs ont déjà remporté le Vendée Globe lors de leur toute première venue. En ce qui me concerne, j'ai tout de suite pensé que je pouvais jouer devant. Car dans les autres épreuves auxquelles j'ai pris part, j'étais toujours dans le Top 10, et aussi souvent l'une des meilleures femmes.
Vraiment?
J'ai toujours été à peu près à la même position, à savoir dans le Top 10. Mais à la fin, il y avait des tempêtes, et si quelqu'un m'avait doublé, cela aurait été difficile à encaisser.
Parlez-nous de cette fin de course mouvementée.
C'était un vrai combat. La semaine dernière, les conditions ont été difficiles en permanence. Il était impossible de bien naviguer ou de profiter. Et puis, il y avait bien sûr la fatigue.
En finir a donc dû être une sensation très agréable.
Définitivement. Mes deux sœurs, par exemple, m'attendaient à l'arrivée. J'ai pu les voir tout de suite, c'était vraiment bien. Mais à part ça, l'arrivée a été très rythmée.
Ah bon?
Tout est très planifié. On suit une certaine procédure. Après avoir franchi la ligne d'arrivée, on remonte le chenal. Ensuite, on se rend à une conférence de presse. Ce n'est qu'après que j'ai eu le temps de manger quelque chose et de prendre une douche. Compte tenu des sollicitations, le sommeil a été un peu négligé jusqu'à présent.
Qu'avez-vous choisi pour votre premier repas à terre?
Un hamburger et une salade (Rires)! C'était assez simple, mais c'est ce genre de choses – la nourriture fraîche – qui nous manque le plus.
Avec un planning aussi chargé, avez-vous eu suffisamment de temps pour réaliser ce que vous venez d'accomplir?
Honnêtement, non. Je crois que j'ai besoin de rattraper mon sommeil et d'analyser la course avec mon équipe, avant de pouvoir réaliser tout ce que j'ai fait.
En y repensant, quelle est la plus belle chose que vous ayez vécue?
C'est difficile à dire. Il n'y a pas eu une expérience plus belle que les autres. C'était plutôt des petites choses, comme de belles conditions de navigation, des levers ou des couchers de soleil.
Et quelle a été au contraire la situation la plus difficile?
La dernière semaine! Quand les conditions ne sont pas bonnes, c'est tout simplement épuisant. On se demande pourquoi nous faisons ça.
Vraiment?
Lorsque les conditions ont été rudes pendant longtemps, j'ai eu du mal à garder la motivation. Je pensais vraiment être plus forte, et que tout cela ne m'affecterait pas autant. Mais j'ai appris de cette aventure. Je connais désormais mieux mon bateau et je me connais mieux aussi.
Comment avez-vous surmonté ces baisses de motivation?
Avec des petits cadeaux, des souvenirs et des photos de ma famille et de mes amis, emportés avec moi. J'ai aussi parlé à mes sœurs. Tout cela m'a vite motivé à poursuivre.
Vous êtes passée au cours de votre aventure par le point Nemo, où vous étiez alors plus proche des astronautes de la station spatiale internationale que des personnes sur terre. Parlez-nous de cette sensation.
C'était très spécial. Je me suis sentie extrêmement indépendante et éloignée de tout. Mais j'avais d'autres navigateurs autour de moi à ce moment-là. Je n'étais donc pas tout à fait seule. Les savoir à proximité m'a poussé à continuer et à faire de mon mieux.
Y a-t-il une anecdote que vous partagerez à tout le monde quand vous évoquerez à l'avenir ce Vendée Globe?
Peut-être la perte de ma voile d'avant. Mais vous savez, c'est difficile à dire. Pour être honnête, on oublie vite beaucoup de choses, à cause du stress et de la fatigue.
Vous nous aviez parlé après un mois de course de votre mésaventure avec votre grande voile d'avant. Vous a-t-elle fait défaut pour la suite de la course?
Non. J'ai eu de la chance. J'aurais certainement pu l'utiliser, mais je n'ai jamais eu l'impression que j'aurais pu mieux naviguer si j'avais eu encore avec mon J0.
Alan Roura a déclaré après l'une de ses participations au Vendée Globe que le café était la chose la plus importante pour lui à bord. Pour vous aussi?
(Rires) Je n'ai pas bu de café à bord. En fait, je ne buvais que de l'eau. Quand il a fait plus froid dans les mers du Sud, j'ai aussi consommé beaucoup de thé, parce que nous n'avons pas vraiment envie de boire quelque chose de froid.
Combien de temps dormiez-vous par jour?
Je m'étais fixé un objectif de cinq heures, mais pas en continu bien sûr. Je crois que j'ai dormi un peu moins. J'ai mesuré ces données avec une montre. Je suis impatiente de voir ce que donneront les résultats.
Pas de café et moins de cinq heures de sommeil par jour: comment avez-vous fait pour rester debout?
En m'accrochant (Rires)! Je me suis distraite en mangeant ou en analysant ma course. Le problème du café, c'est qu'il stimule. Mais après ce coup de fouet, on est souvent encore plus fatigué qu'avant. Je n'avais pas besoin de ça à bord.
De nombreux skippeurs ont participé au Vendée Globe à plusieurs reprises. En ferez-vous de même?
Pfou, c'est une question difficile, et je ne peux pas encore y répondre. Je ne l'exclus pas, mais une telle course nécessite beaucoup de préparation. Il y a aussi de nombreuses épreuves de qualification, et cela demande beaucoup d'énergie. Il faut une volonté à 100%. Je vais certainement y réfléchir à deux fois avant de m'élancer à nouveau.
Adaptation en français: Romuald Cachod.