«J'ai dû jouer 1,5 million»: les paris sportifs ont brisé sa vie
«Je suis sûr que tu peux trouver le bon résultat!» «Pour garder les joueurs captifs, les applis assaillent de notifications, de mises gratuites: c'est effrayant», raconte Max, 27 ans, qui a tenté de mettre fin à ses jours après dix ans d'addiction aux paris sportifs.
«Mon histoire n'est pas unique. Ça arrive à des milliers de jeunes et on ne s'en soucie pas spécialement», dit à l'AFP le jeune homme, au prénom d'emprunt, invité à partager son témoignage par l'association Addictions France lors d'une conférence à Paris.
Passionné de badminton et de foot, fan de l'Olympique lyonnais, il commence à jouer en seconde, «parce que des copains le faisaient». «J'adore le sport, je me suis dit: à 15 ans je vais pouvoir gagner de l'argent avec un truc que j'aime... ça avait l'air facile.»
Deux fois par semaine il entre, cartable sur le dos, dans le bureau de tabac proche du lycée et parie les 4 ou 5 euros qui devaient payer son déjeuner. «Le buraliste du village voyait bien qu'on était mineurs: on descendait du bus scolaire», dit-il.
Bientôt les paris engloutissent «l'argent des anniversaires, de Noël... et j'en ai honte, j'ai pris de l'argent dans le portefeuille de mon père».
A 18 ans, Max quitte le lycée, travaille dans un hypermarché et s'inscrit sur des plateformes actives en France: PMU, Parions Sport, Betclic... «mais pas Winamax qui a eu des procès pour ne pas avoir payé leurs gains aux joueurs». Il parie en «live» sur des «événements en cours, où le résultat tombe vite»: «ça décuple ma pratique, je joue des heures: tout mon salaire y passe».
Inquiets, ses parents tentent de le raisonner mais la dépendance est trop forte. Des petits gains, beaucoup de pertes, et à 20 ans, une première dette de 10 000 euros, que ses parents rembourseront en contractant un crédit. Il cesse alors de jouer pendant un an, un a«rrêt presque facile» qui le rend «euphorique».
Publicité «très agressive»
Son BTS en poche, installé dans l'Ouest où il «ne connait personne», «le "craving", envie irrépressible de parier, revient». «Au boulot, ils jouaient... j'y suis retourné.»
Si parier «apporte une adrénaline difficile à trouver ailleurs», «quand vous perdez, la redescente est d'une violence inouïe», confie le jeune homme, que le stress du jeu isole.
Attribuant ses pertes passées à une «mauvaise stratégie», un «mauvais contrôle» de ses émotions, il ouvre plusieurs comptes bancaires, contracte d'onéreux crédits à la consommation auprès d'organismes peu regardants, et parie des sommes vertigineuses. Au plus haut, sa dette atteindra plusieurs centaines de milliers d'euros.
Après sept ans de relation, où il est «retombé souvent» dans l'addiction, il se sépare de sa première compagne. «Sur dix ans, j'ai dû parier 1,5 million: 150 000 euros par an», dit ce papa de trois enfants, aujourd'hui en couple et encore endetté à hauteur de 80 000 euros.
Il y a un an et demi, à bout, il tente de mettre fin à ses jours en avalant des médicaments: «Je pensais être un moins-que-rien, que ma femme ne me pardonnerait plus».
Epaulé par un addictologue, apaisé par sa spiritualité, Max a cessé de parier, désinstallé les applis de résultats sportifs de son téléphone.
Il témoigne pour aider les autres et veut voir interdite la publicité «très agressive» pour les paris sportifs – notamment celle des influenceurs populaires auprès des jeunes – et les contrôles d'âge renforcés. Il a écrit une chanson, «Paris sportifs, mise à mort», dépeignant un «jeu qui finit par te briser».