Les sauteurs norvégiens ne sont pas passés inaperçus à Lillehammer le week-end dernier, lors de l'ouverture de la Coupe du monde. Ils n'ont pourtant guère brillé. La preuve avec Egner Halvor Granerud, chef de file de la délégation, dépassé par la colonie autrichienne et repoussé hors du Top 10 par deux fois sur le tremplin de Lysgårds.
Kristoffer Eriksen Sundal a néanmoins sauvé l'honneur des «Norge». Or sa sixième place dimanche a été éclipsée par son saut malheureux, déclenché la veille de manière inattendue, après que le panneau publicitaire l'a percuté et éjecté de la plateforme. Les images ont fait le tour du monde. Et elles ont étalé au grand jour le sponsor «casque» du sauteur et de ses coéquipiers: Nammo.
Le groupe norvégo-finlandais est actif dans la production de munitions et de missiles. Il dispose de plusieurs filiales hors Scandinavie, dont une en Suisse, à Hérémence dans les montagnes valaisannes. Des fusibles pour lance-roquettes y sont fabriqués, ainsi que des «composants qui allient le savoir-faire de la haute-horlogerie, de la mécanique et de l’électronique de pointe», détaille Canal 9. La société sponsorise les sauteurs norvégiens depuis plusieurs saisons. Or elle vient d'étendre son partenariat avec l'équipe, peu avant le début de la Coupe du monde.
L'extension du contrat tombe à pic pour la Fédération norvégienne de ski, en proie à des difficultés financières. Sondre Ringen, ancien membre de l'équipe B, nous expliquait il y a peu que les sauteurs de Coupe d'Europe n'étaient plus soutenus depuis plusieurs années par l'instance. La section «saut à ski» a également demandé une participation de 50'000 couronnes (environ 4'000 francs) à ses athlètes, obligatoire pour prendre part aux épreuves de Coupe du monde, suite à la perte d'un précieux sponsor cet été. Elle a finalement rétropédalé grâce à l'arrivée d'un autre partenaire, et se félicite bien sûr de l'extension de l'accord avec «Nammo».
Il en va de même pour les sauteurs, qui ne voient rien à redire. «Je porte ce logo avec confiance. Nammo est une entreprise importante, qui nous aide à atteindre les objectifs de l'OTAN. Elle nous aide également en équipe nationale pour tout ce qui touche aux recherches aérodynamiques», a détaillé le vice-champion du monde Halvor Egner Granerud auprès de la NRK.
Or cette collaboration dérange passablement ailleurs. Parce que le sport, terrain d'affrontement pacifique, ne devrait jamais offrir une quelconque visibilité à un géant mondial de l'armement, et en raison aussi de la guerre en Ukraine et du conflit israélo-palestinien. Amnesty International a ainsi fermement critiqué cette collaboration accrue, par l'intermédiaire de Frank Conde Tandberg, conseiller politique au sein de l'organisation. «Avec autant de guerres et de conflits dans le monde, c'est de mauvais goût. Il est choquant de voir des athlètes concourir avec une cartouche sur le front», a-t-il déclaré.
Tandberg est conscient que «Nammo» n'enfreint pas les règles en matière d'exportation de matériel de guerre. Or il déplore le mystère entourant les activités de l'entreprise et fait référence aux nombreuses sources qui indiquent que la société armerait Israël, via ses activités aux Etats-Unis. Le discours est tout autre au sein de la firme. «Nos équipements ont sauvé des milliers de vies en Ukraine. Sans eux, l'armée locale aurait perdu près de la moitié de sa défense aérienne. Nous sommes fiers de contribuer au renforcement des capacités de défense de l'OTAN. Ceux qui pensent que c'est mal devraient peut-être vérifier leur sens moral», a indiqué un porte-parole de l'entreprise auprès du média public norvégien.
Ces casques flanqués «Nammo» équipent les féminines depuis plusieurs saisons. Des manifestations pro-palestiniennes ont d'ailleurs entouré un concours l'hiver dernier, afin de demander le retrait du sponsor. Or le logo est désormais parfaitement visible sur la Coupe du monde masculine, davantage médiatisée, ce qui pourrait obliger la FIS à se prononcer sur ce parrainage, dans un contexte international toujours plus tendu. Rappelons que l'instance a interdit par le passé le casque «Red Bull» de Marco Odermatt, parce que son design ne respectait pas le règlement, alors que d'autres marques présentaient un graphisme similaire. Elle a depuis fait machine arrière.