Justine Mettraux, votre périple a débuté il y a un mois. Comment allez-vous?
Sur une échelle de un à dix? Je dirais sept. Il me manque un peu de sommeil. Les conditions ont été rudes, ce n'est donc pas évident pour la récupération. Mais à part ça, je me sens bien.
Vous évoquez le sommeil. Suivez-vous un rythme fixe?
Non, aucun rythme. Il est même très difficile d’avoir une routine journalière. Mais je suis maintenant habituée. Après tout, c'est toujours comme ça en mer. En fait, au fur et à mesure que vous gagnez en expérience, il devient plus facile de fonctionner avec peu de sommeil. Je dors environ cinq heures par jour, mais pas d'une traite.
Et lorsque vous ne vous reposez pas, à quoi ressemblent vos journées?
Cela dépend de la météo. Nous recevons les mises à jour les plus importantes vers 8h00 et 20h00. Je fais en sorte d'être en forme à ces moments-là, pour analyser les informations le plus rapidement possible et être certaine de la route choisie. Je planifie les repas en fonction de ces mises à jour et de la position du soleil: petit-déjeuner après le lever et dîner après le coucher.
Vous êtes actuellement 11e et première féminine. Est-ce que vous l'imaginiez avant de prendre le départ?
Oui, je suis la femme la mieux classée, même si Samantha Davies et Clarisse Crémer sont proches. Lors de précédentes régates, le titre de première femme se jouait souvent entre Davies et moi, donc je pouvais déjà imaginer que nous serions toutes les deux devant. Davies a un bateau plus récent, qui a donc plus de potentiel que le mien. Qui sait, elle a peut-être eu des problèmes à bord et n'a pas encore pu se donner à 100%.
En parlant de problèmes, votre voile avant s'est déchirée. Que s'est-il passé?
Je ne sais pas trop. Il y avait des renforts à certains endroits. Cela formait une zone un peu plus faible et instable. La couture s'est déchirée et n'a pas pu être réparée, du moins pas avec les moyens dont je dispose à bord.
Etait-ce quand même le moment le plus difficile que vous ayez dû surmonter jusqu’à présent?
Oui, 180 mètres carrés de voilure à récupérer, toute seule, ce n'est pas simple. Je suis fière d'avoir réussi à le faire sans causer de dégâts à mon bateau.
Vous vous attendiez certainement à de tels problèmes dans une course aussi compliquée.
En effet, on sait qu'un tour du monde comme le Vendée Globe est long et que les voiles sont très sollicitées et peuvent casser.
Garder la motivation a dû être pénible après ça.
Vous savez, vous restez motivé, parce que vous avez vraiment envie de terminer la course. Bien sûr, cela peut être difficile à certains moments. Or j'ai vite compris que je ne pourrais plus l'utiliser, donc cela ne m'a pas trop perturbé. Mais c'est vrai que nous avons tous des hauts et des bas, notamment quand les conditions sont difficiles ou qu’il fait froid.
Des hauts et des bas. Quel a donc été, au contraire, votre plus beau moment jusqu’à présent?
Il n'y en a pas un plus que les autres. Je pense aux levers et couchers de soleil, aux levers de lune et à ces moments où la navigation se passe bien. Ce sont ces raisons qui vous poussent à participer au Vendée Globe. C'est ce que l'on recherche. Beaucoup de choses restent en mémoire.
Y a-t-il tout de même un instant précis dont vous reparlerez toujours lorsque vous évoquerez votre participation au Vendée Globe?
Cela mélangera probablement un peu tout, même si je suis certaine que je vais expérimenter encore beaucoup jusqu'à l'arrivée. Mais je suis fière de la façon dont j'ai géré cette grande voile, seule. Je vais certainement vous le redire encore quelques fois (Rires).
En dehors d'une nouvelle voile, qu'aimeriez-vous désormais?
Revenir, saine et sauve. Ce serait merveilleux si je naviguais jusqu'au port des Sables-d'Olonne. Je pourrais alors dire que je suis finisheuse du Vendée Globe.
Il faudra encore du temps avant d'y arriver. Vous naviguez actuellement dans l'océan Indien, au Sud-Ouest de l'Australie. Qu’est-ce qui change dans les mers du sud?
L'eau se refroidit, donc les conditions générales se détériorent. Cela devient par exemple inconfortable lorsque vous montez sur le pont. Il faut aussi trouver un bon rythme pour bien progresser.
Qu’est-ce qui vous manque le plus dans le fait d’être en mer?
Ce qui me manque toujours dès que je pars: ma famille, mes amis et un peu de réconfort. Nos bateaux sont assez rustiques. Je dors dans un sac de couchage au fond. La kitchenette est également très simple. C'est comme faire du camping (Rires).
Vous n’avez donc pas besoin de grand-chose pour fonctionner?
C'est exact. J'ai ce qu'il faut pour préparer un bon repas et me détendre. Prendre une douche chaude est possible.
Comment faites-vous?
Je fais chauffer un peu d'eau. Cela me permet de me laver dans de bonnes conditions. Vous pouvez trouver des solutions.
Dernière question, Justine. Qu'est-ce qui ne vous manque jamais?
En mer, j'aime être hors ligne. Je suis loin de la civilisation et je n'obtiens pas toutes les informations sur ce qu'il se passe ailleurs. Quand on participe à une course comme celle-ci, c'est l'un des rares moments de sa vie où l'on est véritablement coupé du monde. C'est ce que j'apprécie.
Adaptation en français: Romuald Cachod.