Murat Yakin, les critiques très sévères auxquelles vous avez dû faire face l’automne dernier vous ont-elles blessé ?
Ce qui s’est dit m’est égal. La pression des médias est normale. Je suis resté calme. Je connais le potentiel de mon équipe et je suis convaincu qu’elle possède toutes les qualités pour obtenir des résultats. Ces critiques sont survenues alors que je traversais des moments très durs avec le décès de ma mère. Mais le soutien de l’ASF et des joueurs a été très précieux.
Les propos tenus par Granit Xhaka (qui avait critiqué les entraînements de Yakin et le fait de ne pas pouvoir évoluer à son vrai poste), et ceux de Pierluigi Tami (dont les déclarations ont laissé penser qu'il ne faisait plus confiance au sélectionneur) pouvaient toutefois laisser penser à une certaine défiance à votre égard?
Certaines situations conduisent à un excès de nervosité. J’apprécie énormément Granit comme joueur et comme personne. Il s'est exprimé sous le coup de l’émotion. Je le comprends aisément. Nous nous sommes parlé et nous avons réglé cette question. Quant à Pierluigi, ses propos ont pu être surinterprétés. Nos discussions en tête à tête me conduisent à le penser, à avoir un autre ressenti.
Cette légèreté qui vous caractérise, cette insouciance qui est un peu votre marque de fabrique se sont-elles envolées ces derniers mois?
J’ai vécu des moments très durs avec l’état de santé de ma mère qui s’est dégradé. Comment peut-on sourire à la vie lorsque votre mère est en train de mourir ? Le jour de son enterrement, j’étais dans un avion, loin de ma famille. Mais je devais rester concentré sur mon travail. Rien n’a été simple lors de cette période...
Auriez-vous souhaité avoir plus de temps pour faire votre deuil?
Nous sommes une famille de huit frères et sœurs et chacun l’a fait à sa manière. Ma mère m’a toujours conseillé de ne pas prendre les choses au tragique. C’est peut-être là d’où vient cette sorte de décontraction qui est la mienne. Il y a dans la vie des choses plus graves qu’une crise de résultats en football.
N'y-a-t-il toutefois pas eu un vent mauvais qui a soufflé sur l'équipe de Suisse?
Après les trois premiers matches du tour préliminaire, les attentes étaient, il est vrai, très élevées. Granit a alors évoqué la perspective d’un Grand Chelem avec dix victoires en dix rencontres. On lui a un peu forcé le trait pour qu’il s’exprime ainsi. Quant à moi, je me voulais plus mesuré.
La grande inconnue avant cet Euro réside dans le rôle que doit tenir Xherdan Shaqiri. Qu’attendez-vous de lui?
Nous savons ce que Shaq peut nous apporter. Il sait se montrer décisif et personne dans l’équipe ne possède un pied gauche aussi magique. Lors du rassemblement de mars, je ne l’ai pas titularisé au Danemark en raison de son manque de rythme. En MLS, l’intensité n’est pas celle de l’un des cinq grands championnats européens. A lui de tout faire maintenant pour être affûté, pour être au même niveau sur le plan physique que ses coéquipiers. Il me reviendra de décider au final si sa titularisation sera la meilleure option pour l'équipe.
Le 15 juin, la Suisse affrontera la Hongrie. Que vous inspire cette équipe?
Un adversaire qui récite son système de jeu parfaitement. La Hongrie peut aussi s’appuyer sur plusieurs joueurs qui évoluent dans les cinq grands championnats.
Ensuite il y aura l’Ecosse. Les Ecossais ne sont-ils pas, sur le papier, l’équipe la plus faible du groupe?
L’Ecosse a battu l’Espagne lors du tour préliminaire. J’estime que tous les adversaires se valent dans une phase finale. La Suisse peut gagner les trois matches de sa phase de poules comme elle peut les perdre. La seule certitude avant cet Euro est bien que tout peut se produire.
Et l’Allemagne? Les victoires acquises en mars contre la France et les Pays-Bas n’ont-elles pas pleinement relancé cette équipe?
Je n’accorde pas une immense importance aux résultats des matches amicaux. Dans de telles rencontres, on est tenté de donner 5% de moins et cela provoque bien des différences. Mais on devine aisément les qualités de l’Allemagne. Elle jouera chez elle. Elle monte en puissance.
Quel sera le résultat lors de cet Euro qui vous conduira à prolonger votre mandat à la tête de l’équipe nationale?
Pourquoi se préoccuper de l’avenir? Je sais qui sera l’entraîneur de l’équipe de Suisse demain matin. Après-demain aussi. Ce printemps, je n’ai pas donné suite à la proposition d’un renouvellement de contrat. L’idée est de laisser passer cet Euro et de faire le point après. Je suis toujours extrêmement fier et heureux de diriger l’équipe de Suisse. Je l’ai dit à mes dirigeants. Mais en football, il faut toujours se remettre en question. On ne peut pas vivre sur ses acquis. Cela vaut pour les joueurs. Pour moi aussi. (sda/ats)