Le parking devant l'arène est non seulement gratuit, mais en plus, il n'est pas bondé. Il n'y a quasiment personne, à tel point que le croassement des corbeaux perchés sur les arbres à proximité serait presque inquiétant dans cette nuit brumeuse du mois de décembre. On se croirait dans un film d'horreur.
Mais pas d'inquiétude: la vie reste paisible sur le Plateau. Le journaliste est en route pour l'événement «hockey» le plus important de la dernière semaine de l'année. Et non, il ne s'agit pas de la mythique compétition davosienne. On parle ici du tournoi M18 des cinq nations à la Regiobank Arena de Zuchwil dans le canton de Soleure. Une Coupe Spengler alternative, ou pour le dire de façon beaucoup plus polémique: une anti-Coupe Spengler.
Pourtant, même les meilleurs jeunes talents de Suisse, de Slovaquie, de République tchèque, de Finlande et d'Allemagne ne sont pas présents. Ceux-là sont déjà intégrés dans les équipes qui disputent en ce moment le Championnat du monde des moins de 20 ans. C'est le cas du Biennois Jonah Neuenschwander, qui a certes l'âge pour être ici, mais qui est du voyage au Canada. Il ne joue donc pas devant les 50 recruteurs de NHL venus jusqu'en Suisse observer la nouvelle génération. Pour l'occasion, la buvette de la patinoire a été transformée en une salle de travail avec accès à Internet pour les dénicheurs de talents.
Pourquoi une telle armada? Le tournoi international soleurois regorge de pépites à découvrir, contrairement aux Mondiaux juniors, qui accueille des joueurs que les recruteurs connaissent déjà parfaitement. De très grands talents dans certains cas, amenés à être cités prochainement au premier voire au deuxième tour du repêchage de la NHL.
Or pour qu'une équipe obtienne du succès à long terme, elle ne doit pas uniquement faire les bons choix lors des premières rondes, celles où elle dégote les futures stars. Elle doit aussi sélectionner les joueurs adéquats au quatrième, cinquième, sixième ou septième tour du repêchage. Si une franchise parvient à sécuriser de bons hockeyeurs à ces niveaux, elle acquiert alors un tout autre standing. C'est pourquoi il est si important de connaître les seconds couteaux. Un tournoi comme celui de Zuchwil a donc beaucoup d'importance pour les jeunes talents, désireux de montrer leur potentiel. Même ceux non sélectionnés pour les Mondiaux M18 ou M20 peuvent figurer dans les carnets des recruteurs.
Spécialiste du marché européen, Thomas Roost travaille comme scout pour le bureau central de la NHL, dont le rôle consiste à établir la liste des joueurs les plus talentueux et à mettre à disposition des clubs des rapports au sujet des pépites. Il est donc logique de le voir préférer la brume soleuroise au soleil davosien.
«Zuchwil est plus important que le Championnat du monde M18 ou M20 pour tous les scouts de la NHL. Il est probable qu'ils soient plus de 50 à être venus ici», raconte Roost. Les recruteurs ne paient que 40 francs pour profiter de l'espace de travail et le fait qu'ils envahissent la buvette ne provoque aucune querelle. Un stand de saucisses a été aménagé juste à côté de la salle. Ce sont peut-être les meilleures que l'on puisse déguster dans une patinoire.
Thomas Roost, reconnu pour son travail à l'international, occupe également le poste de directeur sportif au sein du HC Olten. L'occasion de discuter un peu de la politique sportive du club. Le journaliste est convaincu que le problème vient des deux gardiens. Roost ne l'a pas contredit, mais il n'a pas révélé non plus ce qu'il comptait faire pour remédier à cela. Ce n'est qu'une parenthèse.
Le voyage à Zuchwil est aussi un voyage vers les origines de notre sport. C'est un retour aux sources, bref, on retrouve la base sans qui le hockey professionnel n'existerait pas. Tout ici tourne autour du jeu. De nombreux bénévoles veillent à ce que l'organisation soit parfaite. Il n'y a ni commerce malgré la présence des recruteurs, ni marketing.
Le ticket pour un match coûte dix francs. C'est bien 20 fois moins qu'une place assise à la Coupe Spengler. Les spectateurs sont aussi moins nombreux. Ils étaient un peu plus de 400 dimanche soir pour le match opposant la Suisse à la Finlande. Parmi eux, certains détiennent un abonnement dans une patinoire de National League. Ils se rendaient autrefois à Davos pour la traditionnelle Coupe Spengler, mais viennent aujourd'hui profiter de l'alternative proposée à Zuchwil. Ils mènent là un pèlerinage en faveur du «vrai» hockey et contre le capitalisme, devenu presque obscène à Davos. C'est comme faire son marché à la ferme plutôt que dans une grande surface.
Le budget y est bien sûr pour beaucoup. Une nuit à l'hôtel dans les environs de Zuchwil coûtait moins de 150 francs le soir de Suisse-Finlande, quand la même nuitée à Davos était en vente à 700 francs, et cela, pour une chambre miteuse.
La compétition soleuroise existe depuis bientôt 20 ans. Une curiosité aussi agaçante qu'émouvante montre à quel point il n'y a ici que du hockey, et pas la moindre place accordée à l'argent. La rencontre se termine. Les Suisses, qui ont longtemps résisté, s'inclinent sèchement 11-2 face aux Finlandais, après une panne complète dans le dernier tiers-temps. C'est un match rapide, divertissant, sauvage et sans réel schéma tactique.
Un débriefing entre amis, agrémenté de toutes sortes d'anecdotes, n'est cependant pas possible comme dans l'immense restaurant «Timeout» de la patinoire davosienne. Immédiatement après la fin du match, une jeune femme ferme l'enceinte et nous voilà à l'extérieur dans la froide nuit de Zuchwil. Il n'est pourtant que 21 heures. Or à cette heure tardive, tout est fermé, tournoi international ou pas. Bref, l'ordre doit être respecté.
C'est à ce moment-là que l'on se rend compte qu'il n'y a que du hockey au tournoi des cinq nations, et pas de gastronomie, ou pire encore, de prestations VIP. L'argent ne joue aucun rôle. Après tout, le financement de la jeune équipe M18 est assuré par la fédération aux poches déjà bien remplies.