Zermatt est un lieu qui suscite des émotions. Avec le Cervin comme emblème, la destination valaisanne attire chaque année des millions de touristes. Et le domaine skiable fait partie des plus exclusifs, mais aussi des plus sûrs au monde en termes d'enneigement.
La reconnaissance de Zermatt ne date pas d'hier, y compris pour le ski de compétition. Le glacier le plus haut d'Europe attire d'ailleurs depuis des décennies les meilleurs coureurs en été ainsi qu'à l'automne. Et en 2022, le potentiel de la station devait être encore davantage exploité, pour lancer très tôt la Coupe du monde de ski alpin.
Mais cette idée géniale s'est d'abord transformée en un échec cuisant. Le manque de neige en 2022 puis son excès un an plus tard ont entraîné l'annulation de huit courses, et ont mis le feu aux poudres. Le fait que la Fédération internationale de ski (FIS) ait retiré au printemps dernier et à la demande des athlètes les courses de Zermatt du calendrier, malgré un contrat en cours de cinq ans, n'a rien amélioré.
En conséquence, seuls les sportifs de la relève ont pu profiter cet été du glacier du Théodule. Les stars Marco Odermatt et Franjo von Allmen ont en revanche dû effectuer leur préparation sur neige en Amérique du Sud.
Mais ce conflit impliquant la FIS, Swiss-Ski et les remontées mécaniques de Zermatt, autour de leur charismatique président Franz Julen, appartient désormais au passé. Non seulement tout le monde regarde ensemble vers l'avenir, mais en plus, les points ont été mis sur les i, avec une nouvelle orientation intéressante.
L'accord, qui court jusqu'en 2034, prévoit d'une part que Swiss-Ski se chargera à l'avenir de toute la coordination des entraînements sur le glacier, pour ses athlètes évidemment, mais aussi pour les nations étrangères, en louant les deux pistes de descente, les trois de super-G et les dix de géant et slalom. «Les pays de la Coupe du monde vont ainsi pouvoir réduire considérablement les séjours dans l'hémisphère sud», explique Walter Reusser, CEO Sport de Swiss-Ski.
D'autre part, lorsque les derniers obstacles organisationnels, comme l'homologation de la toute nouvelle piste, auront été levés, Zermatt obtiendra une place fixe en Coupe du monde pour deux courses de vitesse masculines à partir de mars 2028. Un tracé spectaculaire est en cours de construction sur le versant Nord du Gornergrat, avec un départ à 2'800 mètres et une arrivée en bordure de village, pour un investissement de 8 millions de francs.
«Le grand gagnant de cet accord est le ski», déclare Franz Julen, président des remontées mécaniques de Zermatt et des courses de Coupe du monde. Le dirigeant parle d'une «pause de réflexion» parfaitement utilisée et voit des gagnants dans chaque camp, avec ce nouvel accord. Zermatt pourrait désormais devenir une étape emblématique de la Coupe du monde.
Les organisateurs étudient aussi avec Cervinia – le site d'arrivée des descentes initiales sur le glacier – la possibilité de proposer des courses techniques féminines, en même temps que les épreuves masculines du mois de mars. «Cela correspondrait à l'idée initiale de courses sur deux pays», explique Julen.
Pour l'instant, il n'est pas question d'organiser des courses de vitesse féminines en novembre, sur la piste originale de la Gran Becca. La FIS observera certes les conditions météorologiques à l'automne, puis rediscutera de la suite à donner à ce projet. Mais Franz Julen voit d'un œil sceptique la poursuite de l'expérience à court terme: «Je reste convaincu qu'en raison de l'altitude et de la neige qui est assurée, nous verrons un jour des courses de Coupe du monde sur la Gran Becca. Mais pour l'instant, le sujet est encore trop négatif». Zermatt se concentre donc sur la construction de son autre piste et l'élaboration d'un contrat avec Swiss-Ski pour les courses.
Diego Züger, CEO Commercial chez Swiss-Ski, est lui aussi convaincu que Zermatt sera bientôt une classique de la Coupe du monde. «Ces courses peuvent enrichir le calendrier», dit-il, en ajoutant: «Ce sera une grande descente. Nous avons un énorme potentiel».
Jusqu'à présent, les remontées mécaniques de Zermatt s'occupaient de la commercialisation des pistes. Mais désormais, grâce à une «voie entièrement nouvelle», le risque financier sera réparti entre deux partenaires. Or le CEO des remontées de la station dit aussi: «Les sessions estivales des athlètes n'ont jamais été une affaire rentable. Pas plus aujourd'hui qu'hier. Mais c'est tout de même un bon investissement pour l'avenir du ski».
Même si les Suisses livrent d'excellentes performances cette saison, sans avoir pu s'entraîner à Zermatt l'été dernier, Diego Züger estime que ces résultats sont liés aux infrastructures disponibles en Suisse. «Si nous célébrons ces succès aujourd'hui, c'est justement parce que nous avons trouvé de si bonnes conditions au cours de la dernière décennie», assure-t-il, en pensant à Zermatt et Saas-Fee.
Züger ne voit pas comme un danger le fait que Swiss-Ski puisse profiter d'un quasi-monopole sur les sessions d'entraînement, pour creuser encore davantage les écarts avec la concurrence. «Au contraire. Il est dans notre propre intérêt d'avoir le plus grand nombre de nations compétitives en Coupe du monde. Nous sommes dans l'obligation d'offrir la possibilité de s'entraîner en été, surtout pour les petites équipes, qui ont moins de budget.» En contrepartie, Odermatt, Von Allmen et les autres peuvent skier dans n'importe quelle autre station, lorsqu'ils en ont envie.