Notre premier contact avec les Championnats du monde de Lenzerheide n'a pas eu lieu en Suisse. Mais à Arçon dans le Doubs, en France voisine. Les organisateurs grisons s'y étaient rendus en octobre dernier pour faire connaître l'événement, à l'occasion des Championnats de France de biathlon d'été.
Etant donné que «la Suisse n'a pas de tradition en matière de biathlon», comme l'explique à watson Jürg Capol, CEO des Mondiaux de Lenzerheide, il n'y a rien d'étonnant à ce que l'organisation ait cherché à séduire les fans tricolores, conquis par ce sport depuis l'ère Martin Fourcade. Dès lors, compte tenu de la relative proximité de Lenzerheide avec la France, mais surtout de l'Allemagne, autre grand pays de biathlon, et dont les supporters se déplacent en masse à Hochfilzen (Tyrol) et Antholz (Südtirol), nous pouvions supposer que les gradins des Championnats du monde seraient envahis par des hordes de supporters étrangers, et que les biathlètes suisses ne bénéficieraient pas du soutien espéré.
Jürg Capol, par ailleurs ancien fondeur olympique, coupe court à cette hypothèse: «Le public suisse sera présent en nombre, à hauteur de 70%. Ce qui est positif, car la Suisse n'a pas l'habitude d'accueillir le reste du temps les étapes classiques de Coupe du monde».
Cette réussite sur le plan de la billetterie auprès des locaux est liée aux efforts entrepris par l'organisation pour attirer les spectateurs alémaniques. «Nous avons fait une forte promotion à court terme sur le marché helvétique, en particulier en Suisse allemande», souffle Capol, qui deviendra directeur du nordique chez Swiss-Ski après les Mondiaux de biathlon.
Parmi les opérations: «des partenariats médias avec le Blick alémanique, une importante campagne d'affichage sur les principaux axes qui mènent à la station, avec un focus sur Zurich, et diverses activations menées par nos sponsors nationaux», détaille Jürg Capol. Mais les Mondiaux ont aussi pu compter sur la SRF, diffuseur officiel des épreuves, qui a réalisé un documentaire sur l'histoire du biathlon, et a couvert ces dernières semaines la préparation de l'événement dans l'émission «Sportnews» du dimanche soir.
Les Championnats du monde ont également reçu le soutien d'un certain Marco Odermatt qui, dans une vidéo promotionnelle parue sur les réseaux sociaux, s'est essayé au biathlon sous le regard bienveillant du spécialiste suisse Niklas Hartweg. Car même si, au niveau international, la discipline n'est pas gérée par la Fédération internationale de ski (FIS), elle l'est au niveau national par Swiss-Ski. Résultat pour le Nidwaldien: un deux sur cinq au tir debout à la carabine laser.
Cet engouement naissant pour le biathlon en Suisse va-t-il se prolonger et s'accroître? Un petit hic vient déjà contrecarrer les plans de développement. Car après avoir obtenu sa première étape sur le circuit mondial la saison dernière, et les Championnats du monde 2025 dans la foulée, de manière inattendue et peut-être trop rapide, nous avons récemment appris que Lenzerheide ne figurera pas au programme de la Coupe du monde l'hiver prochain.
Jürg Capol ne semble toutefois pas trop inquiet: «Lenzerheide a obtenu une étape IBU Cup prévue en décembre 2025. Et nous avons fait des demandes de Coupe du monde pour la période allant de 2026/2027 à 2029/2030». Les futurs calendriers seront dévoilés après les réunions du conseil de l'Union internationale de biathlon (IBU), tenues la semaine prochaine dans les Grisons.
Si la tendance pour les nouvelles étapes, ou celles peu emblématiques, est à l'alternance, une année sur deux voire trois, compte tenu du nombre de prétendants, Lenzerheide a un sérieux atout à faire valoir pour devenir à l'avenir une place forte du biathlon mondial: l'altitude. Alors que de nombreux sites d'Europe centrale se trouvent «en plaine», et sont impactés par le manque de neige, la Roland Arena, elle, culmine à 1 400 mètres. Seul le stade d'Antholz est plus haut.
Mais des courses de haut niveau organisées de façon régulière dans les Grisons ne suffiront pas à accroître l'intérêt de la discipline en Suisse. Le biathlon helvétique doit aussi compter sur les résultats de ses athlètes. Et cela tombe bien: ils ne cessent de s'améliorer depuis plusieurs années. Et même si, pour l'heure, Lena Haecki-Gross ne parvient pas à rééditer ses performances de l'hiver dernier, la Suisse peut aussi compter sur Amy Baserga et Niklas Hartweg, particulièrement en forme à Oberhof, Ruhpolding et Antholz ces dernières semaines, pour faire de ces Championnats du monde un immense succès sportif.
«L'équipe est prête, estime Jürg Capol, positif. La Suisse n'a jamais remporté de médailles aux Mondiaux. Mais pourquoi pas deux breloques à domicile cette année?»